L’Ambition professionnelle.

Comme je l’ai déjà dit dans un autre article, il semblerait que nous autres Masters 1 soyions là où nous sommes pour une raison cosmique ; trouver un travail dans la branche pour laquelle nous nous sommes embrigadés dans des études.

Après avoir dit ça, j’avais essayé de montrer à quel point il n’en était pas moins sûr pour certains qui, finalement, n’ont comme vision de leur futur professionnel qu’une sorte de projection fantasmatique, dans laquelle ils porteraient, que sais-je, un tailleur chic et des chaussures Jimmy Choo, en plein centre de Manhattan, avec un stylo coincé derrière l’oreille, avant de se jeter à corps perdu dans une chronique sur une pièce de théâtre. Bon, j’exagère. Sur un film.

Je suis amenée à causer ambition professionnelle après un tour de table un peu gênant à l’occasion d’un cours de gestion, il y a une semaine. Un par un, nous nous présentions à un prof ancien juriste, et maintenant minie célébrité tourangelle (doté qui plus est d’une bonne capacité slipale), qui nous demandait les raisons pour lesquelles nous nous trouvions dans ce master de Médiation des Arts du spectacle, ainsi que le métier auquel nous aspirions. J’étais la dernière. La faute à ma binôme (c’est faux). Et tandis que tout le monde décrivait (plus ou moins) joyeusement un futur métier en rapport avec ses études, autrement dit la culture et les publics, je commençais mon intervention pour conclure : heum, bien, hm, alors moi, et bien, pour être honnête, je me suis trompée de filière.

Heureusement que les profs s’en foutent un peu de nous à la fac. Qu’ils ne nous connaissent pas, j’entends.

Après ça, j’étais de nouveau conduite à parler avenir professionnel pendant tout le week end, et j’ai été rassurée ; dans la bande, certains n’avaient pas l’air non plus de suivre l’autoroute vers leur aspiration professionnellement divine. Et puis j’ai remarqué une chose ; chez les anciens Masters, comme chez quelques actuels, on retrouve le même discours désabusé concernant la marche suivante.

On me dit que je choisis une voie sans avenir pour ma réorientation – comme on me l’avait dit pour les douze mille autres plans que j’avais eus depuis mes douze ans (bon ok, chanteuse, c’était peut-être un peu plus bouché comme secteur) – on parle de rémunérations qui ne sont pas à la hauteur de notre niveau de diplôme, on évoque les réseaux, et très vite ensuite les pistons (ah, piston, ça sonne tout de suite plus péjoratif). On parle de secteurs bouchés, corrompus ou tout simplement ruinés.

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En fait, lorsque nous évoquons les métiers vers lesquels nous souhaiterions tendre, nous nous cassons de façon systématique et quasi pathologique la boîte crânienne à coups de  »conjectures » et de  »débouchés ». Nous autres, étudiants pas franchement persuadés de leurs ambitions, nous sommes désabusés. Ainsi, dès lors que l’on évoque sa nouvelle envie de se lancer dans le journalisme, quelqu’un qui travaille comme l’un d’entre eux nous en dissuadera aussitôt, et, un peu plus tard, on réalisera que la personne assise à côté de nous exerce l’activité dont nous rêverions mais… qu’il n’est pas payé pour le faire.

Et pour mes collègues déjà convaincus de leur aspiration vers la médiation culturelle, je vous dis pas ce qu’ils se prennent dans la tronche pendant les cours. A les entendre, les professionnels, ils mangent de la soupe et des nouilles tous les jours (ça s’appelle de la soupe aux vermicelles) et vivent sur leur lieu de travail, sur-exploités mais heureux de l’être car passionnés. Mais, finalement, c’est un peu le genre de discours qu’on entend partout. Pour tous les métiers.

Autrement dit, chers collègues, vos ambitions professionnelles ne doivent SURTOUT PAS se diriger vers les domaines suivants :

-le journalisme

-la recherche

-la culture

-le sport

-le droit

-l’audiovisuel

-la fonction publique

-L’agriculture

-L’architecture

-La restauration

-L’industrie automobile

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letudiant.fr, fracasseur d’ambitions

Sinon, il paraît que vous allez vous casser les dents.

Si c’est pas nous étouffer dans l’oeuf…

Alors moi, je vais rester étudiante toute ma vie.

Bisou bisou.

Être En master.

Comme à chaque fin d’une nouvelle ère, je m’étais figuré, après avoir validé ma licence, obtenir une nouvelle stature. Genre, un truc d’adulte. Tout comme lorsqu’on se trouve au mois de juin de son CM2, et que l’on réalise qu’on est plus grand que tous les autres dans la cour de récré, avec un semblant de seins, et prêt à passer à autre chose.

Mais la conclusion de tout ceci consiste à se rendre finalement compte qu’à la rentrée suivante, on est redevenu les éternels plus petits.

On nous dit de faire des études, alors beaucoup le font. Pour les plus chanceux, on les choisit, autrement dit nous nous engouffrons nous-mêmes dans une voie qui nous paraît la meilleure pour nous. Je suis étudiante depuis bientôt quatre ans, embourbée dans le système universitaire, je parlerais donc de ce que je connais le mieux ;

la Fac

HA REGARDEZ ELLE A MIS UNE PHOTO DE GLEE. Et bien oui. J'assume.
HA REGARDEZ ELLE A MIS UNE PHOTO DE GLEE. Et bien oui. J’assume.

Les gens ne se rendent pas compte à quel point il est étrange, pour un bachelier tout neuf, de se trouver face à des intitulés de licence tels que Lettres Modernes, Psychologie ou encore Biophotonique. Les gens comme moi, qui ont fait L, ES ou S, ont suivi un parcours généraliste, plus encore pour les promos pré 2011, puisque j’ai cru comprendre qu’ils avaient ajouté pas mal d’options pour les lycéens ensuite. Quoi qu’il en soit, et même s’ils nous vendent ces trois filières comme les déterminants d’une filiation intellectuelle, on nous assurait qu’il était in-envisageable de faire sauter les cours de maths, ou de philosophie. Imaginez les tronches respectives du futur chercheur latiniste et du biophysicien.

Tous ces profils, au moment de choisir un parcours universitaire, se trouvent face à des spécialisations vers lesquelles ils vont se diriger en fonction des affinités qu’ils croient avoir avec des matières générales, qui sont à des années lumières de ces cursus. J’aimais le français au lycée, j’ai fait Lettres Modernes. Mais je ne savais pas que l’étude des Lettres Modernes était aussi peu moderne, j’ignorais qu’on allait me coller du latin tandis que je faisais une grève de la faim à l’aube de ma cinquième pour ne pas en faire, j’ignorais que je ferais du grec ancien, que je n’étudierais que des auteurs du XIXème siècle, j’ignorais que je n’écrirais pas. Pas de production personnelle, pas d’avis, non, seulement le commentaire de texte bien formaté, et dont on ne doit surtout pas tirer de réflexions personnelles. J’ignorais qu’on m’apprendrait ce que Flaubert voulait dire.

Ma licence de lettres n’avait pas grand chose à voir avec les cours de français du lycée, et j’ai finalement suivi ce cursus parce qu’il ne m’était pas envisageable d’en changer, d’avoir l’impression de m’être trompée, et de tout recommencer par le début. Du coup, j’ai acquis une culture générale, un peu, et une façon de penser, beaucoup. Une façon de penser en trois parties, trois sous-parties, quoique la troisième est toujours difficile à trouver pour moi.

Tout ce fatras du lycée à la licence… alors pensez bien que j’imaginais avoir franchi la marche la plus grosse, et qu’ainsi la rentrée en Master serait du pipi de chat universitaire. Que nenni.

 

Les intitulés de Master sont encore plus troublants que ceux des Licences ; culture et médiation des arts du spectacle, ou infectiologie : microbiologie, virologie, immunologie ? Choisis ton délire. J’ai la nette impression que du côté scientifique, les spécialisations sont plus précises, et c’est finalement plutôt normal ; du côté des lettres et des pauvres drogués de la filière plus artistique, en revanche, c’est un peu difficile de s’y retrouver. Le problème avec le Master, c’est qu’on a la sensation de choisir une réelle voie professionnelle, autrement dit, une formation pour un métier précis, ce qui impliquerait de connaître le métier pour lequel on aimerait passer la majeure partie de son temps par la suite.

Je n’imagine même pas la galère que ça doit représenter pour ceux qui n’en n’ont tout simplement aucune foutue idée ; car même ceux qui en ont une petite arrivent à se planter de formation. Aussi, on s’est trouvé, Cindouille et moi, au bout d’un mois de cours dans ce Master, à s’accorder sur le fait que nos ambitions professionnelles étaient en décalage avec celles que l’on nous proposait. Bref, je me suis plantée de filière, les enfants. Ça arrive à tout le monde.

La conclusion de tout ceci consiste en une observation positive, je vous le promets.

Parce que finalement, je vais terminer cette première année de Master. J’aurais pu m’enfuir et partir faire le tour de France en trottinette, après m’être tatoué Carpe Diem sur les fesses. Mais non. Le système universitaire a ce défaut de proposer des spécialisations qui se trouvent être finalement trop restreintes au regard du monde professionnel dans lequel nous nous trouvons projetés comme de ridicules éclats de peinture sur une toile un peu flippante. Cette phrase est complètement longue.

Lorsque nous sortons de l’obscurité, après cinq années d’études, nous sommes devenus des spécialistes de notre spécialité, imaginons pour moi, de littérature française du XIXè. Et tout le reste, alors ? Comment vend-on cela sur le marché de l’emploi ? Et mon Carpe Diem sur les fesses qui commence à chauffer…

 

Le système de la fac nous spécialise presque trop, et de façon quasi exclusivement théorique qui, selon mon humble avis, n’est pas la motivation principale d’un employeur au moment de l’embauche. Parce que je suis aussi convaincue d’une chose, comme le sont beaucoup d’autres ; la voie universitaire ne nous forme pas au métier pour lequel nous passerons une heure dans les bouchons un samedi après-midi (oui je parle de toi, Tho), parce que nous n’exercerons pas exactement le métier chimérique auquel nous pensons aspirer. Et c’est pour ça que je vais finir cette première année de Master. Pour grappiller des trucs.

Je veux dire, si un jour je souhaite être chroniqueuse, je sais parfaitement que je serais susceptible d’obtenir un entretien pour devenir assistante rédactrice ou un métier de l’ombre de ce genre, consistant à faire des photocopies (de mes fesses). Les cours pendant lesquels je me casse le cul sur une chaise inconfortable (je parle beaucoup de mes fesses dans cet article, non?) ne m’apprennent pas les tâches que j’exercerais dans ma vie professionnelle, mais ils diversifient ma formation personnelle. Et diversifier ses compétences, c’est coul.

La fac a cela de positif qu’elle nous a fait obtenir une méthode de travail, ainsi qu’une façon de réfléchir. Elle est aussi un immense foutoir donnant accès à d’innombrables activités, auxquelles je n’aurais jamais pensé participer si je n’avais pas été en licence avec une amie du tonnerre. C’est comme ça qu’on se retrouve à faire de la boxe, à faire croire qu’on sait jouer au volley, à faire une option échecs (je parle de mon frère. Mon frère qui a quand même validé des crédits en faisant cette option), écriture radiophonique ou encore de la langue des signes (je parle de Ju, la copine du tonnerre). Et oui, je suis contente d’inscrire sur mon CV les sports qu’on a essayés de faire pendant ces trois ans, parce que d’une certaine manière, je me dis que ce genre de détails – les activités diversifiées qu’on aura pratiquées – saura faire des bulles dans la tête d’un éventuel employeur. Plus que le diplôme même d’une licence de lettres modernes.