Annonce de banalités : l’herbe est toujours plus verte chez le voisin (image mentale bien répandue d’une fouf’), on désire toujours ce qu’on n’a pas et le désire un peu moins une fois qu’on le détient, pour souhaiter une chose nouvelle qu’on n’a pas encore obtenue.
C‘est un peu le schéma canonique de l’aventure dans les univers cinématographique, littéraire, professionnel, amoureux ou fantasmatique – en fait, c’est l’essence même du fantasme, peut-être à l’origine de toute cette production culturelle, artistique ou même personnelle, qui perd sa raison d’être au moment où cette fantaisie se trouve être assouvie et ne relève plus du seul imaginaire.
L‘aventure est un cheminement motivé par un désir et on ne peut juger la valeur de ce périple, son importance ou sa légitimité par sa longueur, ni par sa pénibilité. Tout simplement parce qu’on ne peut juger l’importance d’un désir, qui est une production intime pour soi-même, résultat d’une introspection, d’un narcissisme que l’on a tous le droit de s’accorder sans que quelqu’un ne vienne nous dire que ce qu’on veut, c’est de la merde, ou superficiel, ou pas assez ambitieux, ou le contraire.
Autrement dit, il y a autant de degrés d’aventure que de formes de désirs et de personnalités pour les désirer. Deux personnes différentes pourchassant un désir similaire – comme trouver un travail – vivront une aventure bien différente selon leur formation, condition sociale, position géographique, langue, couleur de peau, sexe, couleur de cheveux, taille de zizi.
L‘aventure relèvera de l’extraordinaire, de l’insurmontable pour certains tandis qu’il s’agira d’une formalité pour d’autres qui seront à même de négocier leur contrat au terme d’un premier entretien.
Maintenant que les vérités existentielles partiellement justifiables sont établies, il m’est (pas vraiment) plus facile d’en énoncer une autre : la stupidité de certains consiste à fabriquer des désirs plus gros que ce qu’ils souhaitent réellement, car ils pensent leurs aventures trop petites et leurs désirs faciles. Résultat d’une pression extérieure, mais bien souvent néée puis macérée dans leur propre lessiveuse intellectuelle depuis, une fois encore, une introspection résultant sur des conclusions existentielles.
Du genre : « ma vie est nulle, il faut absolument que j’aille vivre aux États-Unis ». Comment, je grossis le trait ? J’exagère à peine. Lorsqu’on se trouve insatisfait, dans son travail, son lieu de résidence, ses amis, amours, bref, son mode de vie, l’on a tendance à le fantasmer de manière assez radicale pour le rectifier puisque, lieu-commun, les fantasmes ne sont pas connus pour être raisonnables. Au lieu de changer les choses minuscules proches de nous qui constituent ce mode de vie, nous aurons tendance à le transcender via un imaginaire exceptionnel. Je suis malheureu(se)x dans ma vie actuelle, alors je vais la vivre ailleurs.
Transcendance géographique. Il s’agit souvent d’un ailleurs fantasmé pour des raisons plus ou moins justifiées – je vais dans le sud de la France parce que la vie y est ensoleillée et plus agréable, je vais aux États-Unis parce que la vie y est plus folle, je vais en Bretagne au bord de la mer parce que je m’y sentirai comme en vacances tous les jours, ou enfin, je vais à Tours parce qu’il y fait plus beau, que les gens y sont forcément plus sympas et plus posés qu’à Paris – du moment que cet ailleurs remplit un imaginaire d’exotisme.
Transcendance amoureuse. Je quitte mon petit ami actuel qui ne sait pas se couper les ongles d’orteils pour un tennisman dont la sueur sent et a le goût d’un perrier citron, qui a forcément les sens de la combativité, de l’honneur, du courage et qui n’est surtout pas un putain d’orgueil sur pattes bourré d’adrénaline et un peu benêt.
Transcendance idéologique, dans presque tous les cas, idéologie dont il faut se méfier comme de la peste bubonique, si l’on en croit Michou (Michel Onfray) que j’embrasse sur ses joues généreuses (NON, il n’a pas en permanence la tête de celui à qui l’on vient de retirer les dents de sagesse).
Comment démêler l’aventure qui a pour fin un désir désiré de celle ayant un désir désirable – tout en sachant qu’il existe ces aventures dont la finalité se trouve être un devoir ?
Faut-il, une fois encore, s’interroger, se répondre, s’écouter, bref, accomplir de nouveau un travail narcissique, ou bien faire confiance aux bouches alentours, ou bien croire aux réactions du corps, produits bruts de l’exercice intellectuel sur ces désirs ?
Exemple : lorsque l’on projette de voyager seul(e) pour quelques jours et que, une heure avant de partir, voiture et valise bouclées, l’on est pris à une crise de panique et de larmes ridicule, doit-on réagir en faveur – et modifier ses plans – ou à l’encontre de cette réaction – et se pousser au cul pour partir ? A cela, ma réaction répond : fuis et rejoins Papa et Maman en Bretagne. So mature.
N‘ayons pas honte des aventures minuscules de vies minuscules. Banale vérité universelle numéro 8 000 : c’est pas la taille qui compte.
Jesus, cette conclusion est tellement bisounesque. On a presque envie de dire : tout ça pour ça ?