La Bande-son du moment,

La Bande Originale qui va bien.

Il paraît difficile de parler de bandes originales indépendamment des films qu’elles habillent ; normal, les unes n’ont de raison d’être que par l’existence même des autres. Il n’empêche qu’il m’est arrivé de découvrir une bande originale avant même d’avoir vu le film auquel elle correspond. Et je vous assure, le plaisir pris à reconnaître les différents thèmes est tout aussi grand. Et puis si l’on écoute une BO sans savoir à quel genre de scène peut bien correspondre chaque chanson (même si on se doute que le duo violon / piano romantique, c’est pas une scène de bataille intergalactique), la place est faite à l’imagination. Enfin, il faut surtout éviter de lire les titres des chansons. Parce que « Main character’s death », ça nique un peu tout l’suspense.

J’ai choisi de me restreindre au niveau des choix de BO selon différents critères. D’abord, il s’agit de films sortis récemment au cinéma (dans une fourchette de trois ans, disons), ou bien de films sortis depuis un moment mais que je n’ai découverts que récemment. Sans limitation chronologique, on repasserait par les cases Seigneur des anneaux, Million Dollar Baby ou The Dark Knight. Or, leur légitimité et leur notoriété questions BOs ne sont plus à prouver.

Je me suis également attaché à ne choisir que des bandes originales et bien, euh, originales, et donc composées pour les films en question. Autrement dit, il n’y aura pas de « Awesome mix from world’s best soundtracks ». Ce sont deux phénomènes différents, alors je les traiterais en deux chroniques distinctes.

Je reconnais l’indice de mon attachement pour une BO pendant le visionnage du film dont il est question ; je réalise avoir conscience de l’écouter. C’est simple, je ne peux tout bonnement pas aimer une bande originale dont je ne me souviens pas. Si elle ne laisse aucune trace, c’est qu’elle n’assaisonne pas assez l’image et n’entraîne donc pas d’émulsion des deux sens dans ma boîte crânienne. Bien sûr, cela implique que je me sente investie devant le film en question ; je ne crois pas avoir parmi mes coups de cœur une BO dont j’ai trouvé le film tout pourri. Et ce même si une OST exceptionnelle y ajoute de la valeur.

Une composition réussie est une note d’équilibre entre l’image et ce qu’elle veut en dire. Si les scènes à l’eau de rose s’accompagnaient toutes des mêmes accords dégoulinants, elles en perdraient toute leur saveur, à coups de grandes cuillerées de miel et de sucre. Un exemple me vient en tête ; vous vous souvenez de cette voix féminine en solo, qui fait des effets de vibrato en faisant rouler de l’air dans sa gorge, ponctuant de façon quasi systématique les scènes de mises mort moyenâgeuses ou d’heroic fantasy ? Il semblerait que ce procédé soit un automatisme du genre, un tiroir bien étiqueté provoquant l’émotion. Si le plaisir pris à la reconnaissance est un but, provoquer la lassitude est plus probable (on dirait une phrase yodaesque, non?). Une BO ne doit tout simplement pas recouvrir une tartine.

Les petites notes de musique (♫) sont toutes des liens vers des extraits. Comme ce fut fort amusant de tous les chercher pour copier coller les petits liens youtube, je vous invite à les écouter. Amicalement. Bordel.

Les Bandes Originales découvertes avant le film

 

Her OST, par Arcade Fire.

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On sait à son écoute que nous voyageons à travers le temps. Nous nous projetons à travers de grands espaces, nous en distinguons la lumière, l’apesanteur, ainsi que celle de la relation entre les deux personnages. Ca fait beaucoup, pour une OST. Un prof de musique actuelle nous a expliqué ce semestre que les bandes originales reposaient surtout sur un principe de répétition, et, je ne sais pas pourquoi, mais sa façon de le dire, un peu dédaigneuse, m’a vexée. Parallèlement, j’écoutais les compos de Her en boucle. Une musique électronique, un peu minimaliste, répétitive, étirée, épurée, étouffée, ventrale : elle dispose tout simplement d’une profondeur insondable, et se saisit de toute l’intimité du film, en tant que sujet, mais aussi en tant qu’esthétique visuelle. Arcade Fire est parvenu à produire l’imaginaire sonore du futur, mais aussi du corps, élément qui manquera à Joaquin Phoenix pendant tout le film.

Gravity OST, par Steven Price.

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Soyons directs ; deux morceaux sur l’ensemble de la BO m’ont saisie. Seulement, il suffit de deux pour imprégner un film de deux heures et demi d’une certaine couleur, laissant une empreinte mémorielle et sensorielle durable, traduisant une véritable expérience cinématographique. « Aurora Borealis » et « Aningaaq » s’accordent dans leurs effets ; un détail sonore, minuscule, vient se répéter en arrière-plan, symbolisant un bruitage mécanique ou respiratoire constant. Cet électrocardiogramme sonore, stylisé, construit parfaitement le thème du film, représentant une vie minimale au milieu d’un espace de mort infini, infini représenté par les effets musicaux d’écho et de profondeur. La maternité en tant que source de vie, qui est un instrument esthétique du film, se peint également derrière « Aurora Borealis », dont les notes jouent inconsciemment celles des petites boîtes à musique. Nous sommes avalés par le film et son atmosphère musicale.

 

The Grand Budapest Hotel OST, par Alexandre Desplat.

Le mythe de Jude Law détruit par la vision de ses orteils.
Le mythe de Jude Law détruit par la vision de ses orteils.

Je n’ai toujours pas vu ce film, et pourtant, sa bande annonce m’avait faite rire au cinéma. Je dois prendre plaisir à m’infliger le suspense, ou bien j’oublie peut-être de façon pathologique de le regarder. Cela fait pourtant un ou deux mois que sa bande originale circule dans mes playlists ; j’ai malgré tout cru comprendre que le film consistait en une enquête policière aventureuse à laquelle se mêle un humour grotesque.

Les compositions rebondissantes de Desplat ont des résonances d’ailleurs, et construisent une représentation sonore de l’Europe de l’Est, du moins dans mon imaginaire à moi. Une musique en fanfare, parfois sentencieuse, avec ses chœurs graves et sourds en fond, ses cordes chevrotantes, un son sec, et des cloches en guise de ponctuations.

Ca vous va, comme description pas du tout musicalement professionnelle ?

Quoi qu’il en soit, Desplat a composé une bande originale digne d’une incantation magique, à travers laquelle l’on peut percevoir le joyeux bordel dramatique du film, ses rebondissements, ses intrigues, et sa poésie. Il faut que j’le voie.

Les autres Bandes Originales

Les morceaux défilent tandis que je rédige cette chronique, aussi l’ensemble sonore se tisse un peu trop rapidement dans ma tête et multiplie les fils avant que je ne puisse faire un tri. Pour répondre à ce déversement musical, diffus, je me contenterais de choisir le format de la ‘liste’ facile, tout en précisant qu’elle ne répond pas à un classement selon un ordre de préférence.

  • Last Night OST, par Clint Mansell. last_night01

C’est un petit film, réunissant tout de même quatre bêtes de castings. C’est un motif souvent traité, consistant à dépeindre un couple en crise et des amants aux aguets. Mais qu’importe l’originalité du sujet, tant que le dispositif qui l’entoure provoque quelque chose. Last Night brille par ses couleurs sombres, ses pauses et sa musique, à travers lesquelles transpire le malaise produit par l’intrigue. Le film n’est pas très bavard ; sa bande originale l’est pour lui. Ainsi, l’image de fin n’est qu’une prise d’inspiration de Keira Knightley, relayée par le morceau « Final Movement ». Sans sa BO, Last Night serait un film amputé d’une partie de son sens, si ce n’est de son sens tout entier. Le mélange visuel et sonore est subtil, délectable, et perturbant.

  • Cloud Atlas OST, par Tom Tykwer (dont le nom donnerait des points au Scrabble).

    Epic pic's epic
    Epic pic’s epic

J’ai découvert ce film pour la première fois l’été dernier ; le soir-même, j’allais réécouter sa bande originale sur Youtube. Et ce même si la complexité du film, par ses tressages dramatiques et sa chronologie distordue, m’avait empêchée de l’apprécier réellement. Nous l’avons revu depuis ; je connaissais sa petite musique par cœur, et tout d’un coup, la dimension de Cloud Atlas a été doublée, débarrassée de tentatives d’explications. Tom Tykwer participe à la construction épique du film, et puisque Cloud Atlas veut être un film total, sa musique l’est aussi. Angoissante, sentencieuse, émouvante, intrigante, personnage, narratrice… Quelle exigence merveilleusement respectée, pour un film dont on a finalement trop peu parlé, et qui a pourtant construit son propre mythe, à travers son dispositif cinématographique, certes, mais aussi sonore.

 

 

  • The Avengers OST, par Alan Silvestri.

Petit virage du côté des super héros, pour lesquels les compositeurs doivent surtout trouver un hymne, décliné ensuite afin de lui donner des tonalités différentes. Les dessins animés font la même chose ; souvenez-vous du thème principal de Là-Haut, ralenti, accéléré, pianoté ou bien repris par des cordes (vous noterez que je dis ‘cordes’ afin de ne pas chercher de quel instrument il s’agit exactement, parce que je ne sais pas différencier un

TAAAAHHHH, DADAAAH DADAAAAHDAAAH, NANANAAAAAH
TAAAAHHHH, DADAAAH DADAAAAHDAAAH, NANANAAAAAH

violoncelle d’un alto), afin de répondre à différentes situations dramatiques. Autrement dit, si l’hymne de base est bon, l’ensemble de la BO l’est également ; comme Hans Zimmer et James Newton Howard pour la série Batmanesque de Nolan, Silvestri a donné le Marvel’s tone en composant The Avengers assemble. On croirait même, par moment, en reconnaître le thème dans la BO des Gardiens de la galaxy de Tyler Bates, mais après tout, il semble juste de donner à Marvel une couleur musicale unifiée.

Crescendo, avec plein de cordes, de cuivres, de phrases simples et efficaces superposées et répétées, Silvestri a produit le refrain épique idéal pour Thor et ses petits camarades (quoi, du favoritisme envers Thor ? Tout le monde est complètement fan de la version Downeyesque d’Iron Man, alors je décide de ne pas en être, voilà tout), extrêmement entraînant et poignant d’intensité.

 

Je conclus ici cette chronique parce qu’elle est déjà trop longue ; je tiens malgré tout à balancer en vrac d’autres BO de compositeurs bien inspirés.

James Newton Howard pour le premier Hunger Games

Danny Elfman pour Silver Linings Playbook

Hans Zimmer pour Inception

Cliff Martinez pour Drive (film découvert l’année dernière seulement omagad)

Steve Jablonsky pour The Island (OK j’ai vu ce film il y a longtemps et il ne devrait pas rentrer dans cette chronique parce qu’il date de 2005 mais j’aime tellement sa BO qu’il mérite d’être cité).


Carolina.

 

Afin de ne pas mélanger les torchettes et les servons, je préfère d’ores et déjà assumer une première chose ; même si l’un des membres de ma famille nucléaire fait partie de ce groupe de musique, cet article sera rédigé en toute objectivité. Aussi, je vais vous parler du meilleur groupe de l’univers.

Carolina passait le 5 septembre au Bus Palladium, une salle parisienne près des beaux quartiers dans le neuvième arrondissement ; nous étions tous quand même super fiers de nous y pointer. Mais avant même le jour C (pour concert, tavu), une contrariété m’affectait après avoir vu le flyer sur lequel était décrite la programmation de la soirée. Trois groupes passaient ce soir-là, et si les deux suivants avaient droit à un paragraphe descriptif assez conséquent, Carolina se coltinait trois lignes approximatives, et superficielles. Mon orgueil était atteint ; ce papelard ridicule témoignait déjà d’un favoritisme. Le Bus Palladium n’était plus une salle de concert coule et fantasmatique tenue par une équipe sympathique aux cheveux longs sur le dessus et rasés courts sur les côtés ; ce n’était plus qu’une petite salle bourgeoise remplie de prétentieux incompétents. Et je ne m’attardais même pas à détester les autres groupes, eux aussi devaient finalement se péter mutuellement dessus.

Il s’est avéré qu’après le concert, les responsables de la salle nous ont appris que le groupe Carolina était celui qui avait fait se déplacer le plus de monde. BOUM BOUM. La prochaine fois, on embarque les grands-parents, toute la famille, des ex et les trois chats de mon oncle et ma tante.

Je n’ai pas d’oreille musicale, je n’ai fait qu’une année de solfège avec des gens beaucoup plus jeunes que moi, dont un qui lâchait des caisses en rigolant au beau milieu du cours (pourquoi ai-je déjà parlé deux fois de pets?), aussi, je parlerais en termes non élaborés, peut-être même pas adaptés, mais moi, au moins, j’en parlerai.

Carolina compte quatre membres, deux aux cheveux longs, deux aux cheveux courts. En voilà, des précisions musicalement pertinentes. Simon bat, Antoine et Nicolas grattent, Marie pianote. Les voix d’Antoine et Marie s’accordent dans des mélodies de coton, sous-entendues douces, un peu étouffées, et mélancoliques. Les dernières notes chantées sont souvent traînantes, en fait, si l’on n’a pas peur des mots, on pourrait dire que le chant se veut flegmatique. Ma cousine et moi nous sommes rejointes en un constat, pendant le concert ; « ON POURRAIT TROP EN FAIRE UNE MUSIQUE DE FILM » (oui parce qu’on se hurlait dans l’oreille pour s’entendre, normal, et on exagérait complètement nos hochements de tête entendus en mettant la bouche en cul de poule pour montrer notre parfaite adhésion à nos théories). Vous savez, le genre de musique qu’on entend dans les road-movies réussis. Oui, les deux EP de Carolina réunis font l’effet d’un road-trip musical, parce qu’on ne peut décemment pas écouter leur musique sans voyager d’un bord du crâne à l’autre.

Le synthé de Marie semble finalement revêtir l’habit musical pastoral du groupe, jouant avec des sonorités rappelant celles d’un orgue. Bon, d’un tout petit orgue. Au moment du concert, le synthé était à l’avant-scène, au centre ; la messe est dite. Mais alors, on passerait carrément du road-trip au pèlerinage musical ; si ça, c’est pas de la transition qui balance.

Pour une non-initiée comme moi, la basse était un instrument anecdotique, dont on ne distinguait pas forcément la mélodie en live ; chez Carolina, j’entends la basse pour de vrai, comme le répondant immédiat de la guitare avec laquelle elle s’accorde parfaitement. Enfin, certains morceaux trouvent une respiration dans des pauses instrumentales bien inspirées.

Personne ne se marche sur les pieds, chez Carolina.

Je prends un aller simple.

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