On m’a dit que j’avais un bon boule, qu’on pouvait « m’en mettre deux ». On m’a dit que j’étais sexy. Que c’était « gagné » parce que je me touchais les cheveux. Que mon corps était une « provocation », avec ses « formes ». Un inconnu m’a proposé, dans un bar, qu’on se « mélange » en m’attrapant par la taille. On m’a sifflée. On a mis les mains sur mes cuisses dans le métro. On s’est frotté contre moi, et fait des tentatives d’attouchements dans le RER. On m’a dit que j’étais « galbée ». On m’a comparée physiquement à une collègue pour la dévaloriser, en notre présence à toutes les deux, dès mon premier jour de travail. On m’a prise en photo sans mon autorisation. On m’a proposé des shooting photos sur des quais de gare et du métro, notamment de nus. On m’a dit que j’avais de beaux cheveux. Des belles jambes. Un beau sourire. Un regard coquin. On m’a demandé si je suçais contre un sknikers. On a sous-entendu que j’aimais faire l’amour. On m’a dit que je faisais bander, devant un groupe d’une quinzaine de personnes que je venais de rencontrer lors d’une rencontre sportive, que ça a fait rire. On m’a klaxonnée. Un collègue m’a reproché de refuser d’aller boire un verre avec lui avec une excuse bidon. Un inconnu m’a reproché de ne pas répondre à ses textos intempestifs. On m’a reproché de refuser d’aller au cinéma. Un camarade de classe m’a dit qu’il faisait des rêves érotiques avec moi. On m’a harcelée par téléphone. On m’a demandé mon numéro de téléphone. Mon adresse mail. Ma page Facebook. On m’a proposé un plan à trois. On a essayé de m’embrasser sans mon consentement. Un prof a chanté « toucher la chatte à la voisine » en se tenant à côté de moi. Un collègue a dit à une autre collègue que j’avais un bon cul. Un autre collègue dans un autre travail a dit que j’étais bonne – je ne me souviens plus de terme exact – à mon supérieur.

Questions :

Vous êtes-vous demandé à quoi je ressemblais physiquement ? Quel était mon style vestimentaire ? Si j’étais une fêtarde ? Une grande gueule ? Si j’avais de l’humour ? Si j’étais rabat-joie ? Si j’avais beaucoup de relations ? Quel était le contexte de ces situations ? Si elles ont été bien interprétées ? Si elles ont réellement existé ?

Vous êtes-vous demandé quelles peuvent être les conséquences de ces situations sur la perception que j’ai de mon corps dans l’espace public, et même parfois privé ? De quelle façon j’ai réagi ? Pourquoi je ne l’ai parfois pas fait ? Pourquoi tout ceci peut sonner familier ? Récurrent ? Quels sont les recours contre le harcèlement et les outrages sexistes, mis à jour par la loi du 3 août 2018 ?

Les contextes n’étaient pas appropriés. Normalement, je n’ai pas besoin de le préciser.

« L’article 621-1 du code Pénal réprime l’outrage sexiste », qui s’exprime par « des comportements à connotation sexuelle ou sexiste, qui, quel que soit l’espace où il s’exprime ou les formes qu’il prend, porte atteinte à la dignité de la personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant, et crée une situation intimidante, hostile ou offensante. Ces comportements n’ont pas besoin d’être répétés pour que l’infraction soit caractérisée. Matériellement, il peut s’agir :

  • de sifflements, de gestes et/ou des bruits obscènes, par exemple en suggérant ou en imitant un acte sexuel ;
  • de propositions sexuelles ou de questions intrusives sur la vie sexuelle ;
  • de commentaires dégradants sur le physique ou la tenue vestimentaire ;
  • de suivre une personne de manière insistante dans la rue. »

« La peine encourue est une amende prévue pour les contraventions de 4ème classe (90€ en cas de paiement immédiat et jusqu’à 750€) ou de 5ème classe (jusqu’à 1 500€) en cas de circonstances aggravantes ou de récidive. »

> https://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/outrage-sexiste-668.html

Il y a un peu moins de 5 ans, j’ai écrit un article sur une agression sexuelle dans le métro. C’est étrange de le relire, parce que sa forme, légère par le ton, les illustrations, les effets de style, ne vont pas avec son fond. Je crois que je comprends ce que j’ai voulu dire à l’époque : qu’on légifère, que les personnes habilitées punissent pour qu’il n’y ait plus d’agression, de harcèlement. Qu’il n’y ait plus de fatalité à être une femme victime, plus de résignation ; qu’il n’y ait plus besoin d’auto-justice. Et je n’ai subi que ça.

J’ai écouté un podcast aujourd’hui, extrait de la série Un podcast à soi sur Arte radio : « Justice pour toutes ». C’est le onzième épisode, et il parle plus particulièrement de la prise en charge des personnes qui ont subi des viols ou agressions sexuelles. Il parle justement de ces personnes habilitées à punir. Je vous invite à l’écouter.

Quand on ne comprend pas comment des comportements individuels désagréables peuvent être rencontrés de manière répétée au quotidien ; quand on se sent dépassé par l’immense héritage narratif et fictif justifiant de tels comportements ; quand on en a marre d’observer les éternelles discriminations à leur origine absolument partout : on en vient à superposer des témoignages, des situations, pour les juxtaposer aux mesures qui étaient censées les empêcher.

https://www.arteradio.com/son/61660303/un_podcast_soi_ndeg11_justice_pour_toutes?embed

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