L’étiquetage impulsif, ou le post-it frontal subjectif.

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Il existe dans notre vocabulaire, et notamment dans la verbalisation de notre imaginaire collectif, un grand nombre de tiroirs à caractéristiques facilement applicables sur à peu près n’importe qui, et pour n’importe quelles raisons. En voilà, une introduction pas trop vague.

Il n’est pas nécessaire d’encombrer cet article des clichés internationaux usés jusqu’à la corde (comme cette expression) ; nous avons déjà bien à faire avec nos petits post-its quotidiens.

Il semblerait que nous soyons tous soumis à l’irréductible besoin de catégoriser les gens que nous fréquentons, dans notre intimité, notre vie professionnelle (comment j’utilise la première personne du pluriel tavu), estudiantine, mais aussi dans le cadre de nos relations fantasmatiques avec les noms médiatiques, et celui de nos rapports collectifs anonymes.

Cet étiquetage pourrait être une réponse à notre besoin constant d’identification à des référents, mêlé à celui de dissociation par rapport à d’autres référents. Entendons-nous bien, lorsque nous sommes ‘sucré’ (et pas ‘sucrés’, sinon ça n’a pas de sens. Même si, après tout, on l’est aussi) nous ne sommes pas ‘salé’ (et pas…) ; et tout à coup, nous avons le sentiment d’appartenir à une forme de vie associative passive, composée de personnes aux lèvres pleines de sucre glace avec du nutella sous les ongles (et là, je viens de passer salé, parce que ça me dégoûte). Quoi de rassurant là dedans ? Absolument rien, si ce n’est une forme de satisfaction personnelle, obtenue par le fait de rendre la construction de notre personnalité bien égocentrique légitime, parce qu’elle s’inscrit dans une référence globale. Du genre,  »Hugo est un romantique parce qu’il écrit comme les romantiques ». Alors, je suis ‘sucré’ parce que je préfère le même type d’aliments que les personnes ‘sucré’. Je suis nulle pour trouver des exemples, comme tous les membres de ma communauté d’illustrateurs de propos nuls (les illustrateurs, pas les propos. Quoique.).

Sans forcément s’en rendre compte, nous nous confrontons à la grande entreprise caricaturale de manière constante et diffuse – machinerie fantasmatique relayée par la toile communicante devant laquelle nous nous trouvons passivement réceptifs. Ce processus est par ailleurs enrichi par les voix enseignante, amicale, et familiale, accompagnées de celle de notre tête, et de toutes les autres, subies ou consenties. Une société d’anonymes au volume quasi infini, donc, bien que limité par la seule condition terrienne.

 

Nous sommes donc particulièrement performants au jeu du post-it – dans le sens discursif du terme. Aussi un soir, en plaisantant, je devenais une gaucho un peu bobo après avoir glissé mon mégot de cigarettes dans une boîte conservée dans mon sac pour ce seul usage. Ainsi, les lecteurs de Télérama sont des intellos gauchos légitimes, proches de leurs amis végétaliens et consommateurs de salles de cinéma d’art et essai. Ainsi, les auditeurs de France Inter sont des instit’s, mais comme les instit’s sont de gauche, alors France Inter est une radio de gauche, avec des journalistes de gauche qui – ça va de soi – portent des lunettes trop grandes à larges cadres. Ainsi, les auditeurs d’RTL sont un peu moins de gauche, pas comme les téléspectateurs d’Arte, espèce rare intellectualisante. Rien à voir avec les téléspectateurs de la chaîne NRJ 12, ces jeunes esprits simples.

Et je ne vous dis mêmes pas ce qu’elles se prennent, les Parisiennes ; les jeunes vingtrentenaires, qui ne font les choses qu’une seule fois, et ne donnent pas suite à un balbutiement de relation lorsque cela s’éternise un peu trop ; faut que ça aille vite, avec elles, rendez-vous bien compte, elles prennent le métro tous les jours, c’est rempli de queues, ces machins-là. Et puis ne parlons pas des syndiqués, ces excités du bocal un peu simplistes qui parlent beaucoup trop fort, et qui sont convaincus de tout ; si vous saviez ce qu’on leur met, à ceux de la CGT, depuis le huitième arrondissement. Heureusement que les artistes viennent adoucir les mœurs, parfois. Si seulement ils n’étaient pas si égocentriques ; et encore, c’est seulement lorsqu’ils ne sont tout simplement pas perchés. Ou trop riches. Comme les gens de droite, ouh, les vilains. Et je n’ai pas mentionné les étudiants – dont le terme masculin générique est à dissocier de l’expression  »l’étudiante », qui revient au fantasme sexuel – dont on reconnaît la filière au look ; une jupe et des bottines aux bouts pointus ? « Elle vient pour toi », indique celle de droite à celle de gauche ; à croire que je portais les attributs de l’étudiante en arts du spectacle, c’était effectivement le bon bureau. Tous les croyants, tous les moins croyants ; les clients de la Banque Postale, ceux de la Banque Populaire ; les blondes et les fausses blondes ; les roux ; les gens du Sud, et ceux du Nord ; les Bretons, les Corses ; ceux qui portent des Crocs, ceux qui font du tennis, et tous les autres.

Quel incroyable patrimoine artificiel involontaire, sué par tous les pores, pré-mâché par toutes les bouches. Quelle pression pour nos pauvres carcasses aux esprits torturés entre le souci de correspondre à quelque chose et celui de s’en contre-foutre. Mais attention, avec tout ça, on va finir par me classer dans la catégorie « monde de bisounours » ; je les aime pas, ces gens-là, ils ont une voix mielleuse et puis il se trouve qu’ils sont souvent faux-cul. Sans étiquette aucune.

 

Fourbe.
Fourbe.

Les Tests psychologiques.

Les tests psychologiques ne révèlent en rien les aspects les plus anonymes de votre personnalité, ni non plus n’affinent les directions que prendra votre avenir. Mais ils ont peut-être le mérite de nous faire croire en ces choses, ne serait-ce qu’un quart de seconde, le temps de s’identifier, de lier leur résultat à des pans de notre vie que l’on souhaiterait voir bouger. Et ainsi, il faut accorder aux tests psychologiques, dans leur immense frivolité, le mérite de nous faire nous poser des questions.

Venons-en à la conclusion capitale de ce paragraphe ; si j’étais une héroïne Disney, je serais la fée Clochette. Et à la fin d’une explication aussi convaincante qu’un whatever en fin de débat, j’ai trouvé une phrase du style ; vous ne tomberez amoureuse que de personnes déjà prises, qui vous rejetteront de façon systématique. J’ai souri puis j’ai quitté mon pc. Et maintenant je me trouve ici. Quelques mois plus tard. Ça a dû travailler depuis, donc, je ne sais pas comment, surtout pas pourquoi, mais ça a travaillé. Maintenant, ça ne me fait pas sourire du tout, en fait, ça me fait chier. Je dirais que j’en ai même sacrément ras le baba.

Typologie des situations de merde que nous nous empresserons tous joyeusement d’éviter à l’avenir ;

  1. Commencer à vouloir provoquer des choses en se sachant parfaitement incapable d’assumer leur concrétisation.

  2. Commencer à vouloir provoquer des choses en ne sachant pas vraiment si on en a envie.

  3. Succéder les remises en question existentielles.

  4. Appréhender le rejet avant même que celui-ci ne soit une réelle éventualité.

  5. Se contraindre, de façon pathologique.

  6. Faire des typologies d’erreurs qu’on commet après les avoir commises.

Ils se sont juste plantés au niveau du rouge à lèvres, c'est carrément pas ma couleur
Ils se sont juste plantés au niveau du rouge à lèvres, c’est carrément pas ma couleur

Ne pas pouvoir saisir un verre de jus de pamplemousse devant quelqu’un parce que l’on tremble trop, ne pas réussir ne serait-ce qu’à croiser le regard d’un autre après l’avoir cherché sur les réseaux sociaux, ne pas avoir une répartie suffisante pour répondre à une blague un peu lourde d’un prof de sport ; petit listing ridicule d’attitudes ridicules, ingérables, et franchement merdiques.

Le corps à ses raisons que la tête connaît parfaitement, d’ailleurs, c’est bien là l’origine du problème ; la cervelle, qui vient vous bousiller votre pompe à sang, qui active des choses en chacun de vos membres, injection d’angoisse irraisonnée par intraveineuse.

Comment devient-on normale face à un Félix ?

Ou même face à un non Félix. Comment sommes-nous supposés savoir adopter la bonne attitude censée confirmer une relation privilégiée ? Une attitude forcée,  » tu as mon intérêt, alors continue de le susciter ». Et si on s’en fout, de l’avoir, cet intérêt ? Et si, souvent même, sur le quai de la gare, dans la rue, dans le train, le métro, à la fac, quelque part sur la terrasse d’un café, en sport, on n’a jamais demandé à se voir gratifier d’une attention particulière ?

Et si j’ai le malheur de vouloir intéresser quelqu’un, je deviens juste bizarre. Ou bien on ne me prévient pas que c’est trop tard. Putain. Je suis presque autant la fée Clochette que Schwarzenegger. Et je m’en fous. Un jour, je pourrais expliquer à un garçon la raison pour laquelle je ne peux pas tenir ma tasse de café devant lui, et ce même jour, ça le fera sourire.

Et bien ce jour là je pourrai crier que je l’emmerde, la fée Clochette.

TIENS !
TIENS !