Le Programme télé,

Le Burger Quiz.

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Ceci pourrait être un cri de détresse. Du genre, « Au secours, les jeux télés sont complètement nuls ». Historiquement, je n’ai rien contre Laurence Boccolini (à retenir : « une expérience humaine » et l’identification aux candidats, giga LOL de cette interview), Vincent Lagaf’ (ce n’est pas un vrai nom), ni même contre Nagui ou Dechavanne. Je ne les connais pas dans l’intimité. Ce sont « des gens de télé », invités imposés dans nos salons depuis de nombreuses années sans que l’on puisse réellement exercer de contrôle sur eux. Ils sont généralement un fond sonore, qu’on aime insulter lorsqu’ils disent n’importe quoi, pratiquent un humour assez imbécile ou bien se permettent de juger des invités et de s’en moquer, l’air de rien.

Après tout, les candidats sont extrêmement vulnérables : l’on juge leur culture générale devant x téléspectateurs anonymes, avec, parmi eux, des proches ou connaissances qui pourront narguer les ex candidats à l’infini. « Tu connaissais pas la capitale de la Lettonie ? T’es vraiment une bite ! ». Soit. L’animateur ne se cachera pas d’en faire la remarque quoi qu’il arrive, de façon plus ou moins subtile. Peut-être trouvons-nous de quoi nous rassurer, lorsque l’on réalise que l’on connaît une réponse tandis que le candidat galère en public. De quoi assouvir un besoin orgueilleux tandis que l’on reste bien tranquillement assis sur son canapé, passif.

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Beaucoup de choses sont particulièrement énervantes, dans ces dispositifs de pur divertissement, pas du seul fait de leur animateur : depuis quelques temps, les candidats sont moulés pour répondre aux obligations de bêtes de foire. Après avoir passé un ou plusieurs castings, la crème de la crème obtient son ticket pour investir le plateau télé et marquer – fantasme – l’Histoire anecdotique du petit écran par son minuscule passage.

Alors l’invité est sollicité, individualisé, contextualisé : voilà Martine, pilote d’avion et surtout fane d’Eddy Mitchell, qui s’est un beau jour trouvée dans le même ascenseur que lui, ou encore Fletcher (quoi, on ne rencontre jamais ce prénom ? On est à la TELE vous dis-je), étudiant de 22 ans qui a déjà marché sur la lune un jeudi soir.

Ils doivent être drôles, piquants, pimpants, après avoir été relookés, pomponnés pour leur passage à la TELE. On les met en famille et en binôme, afin que les tréfonds de leur personnalité soient un peu plus sondés par les téléspectateurs et le public – autre outil d’abrutissement incarné par ses rires et ses applaudissements. A plusieurs, les candidats interagissent et son plus prompts à oublier l’oeil de la caméra, ou bien ont moins de complexes à plusieurs et jouent en étant plus conscients encore de l’exercice de cet œil. Des caricatures se succèdent donc et se fendent la poire en évoquant des anecdotes personnelles devant un public conquis. Tout ça ne me fait pas rire. Ca me met mal à l’aise.

Je ne peux pas réellement me dire nostalgique d’une époque – bon Dieu, que j’en ai marre d’entendre parler de l’esprit Canal à tout bout de champ, comme si l’intervention divinement démoniaque de Bolloré était à l’origine d’une décadence soudaine fracassante qui, si l’on tente d’être un peu rationnel, trouve ses fondements dans une époque un peu plus lointaine – ni affirmer « c’était mieux avant ». Castaldi comme présentateur de Fort Boyard (z’avez vu, y’a un site Fort Boyard quoi ! On sent la gêne dans l’article sur Castaldi le père, quand même) au début des années 2000 suffit à réfuter cette affirmation. Comme tous les programmes télés, l’obsolescence et les innovations pour l’empêcher, souvent maladroites, voire ratées, les condamnent à connaître une décrépitude programmée. Aujourd’hui, les jeux considérés comme les plus has-been, qui n’ont pas tant évolué, sont les seuls à battre des records de longévité : casse-dédi Des chiffres et des lettres, questions pour un champion ou qui veut gagner des millions.

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Burger Quiz n’a pas tellement échappé à la règle, notamment par ses changements de présentateur. Laurent Baffie passait plutôt moyennement, Alexandre Devoise encore un peu moins, et nous avons connu, au sein du foyer, une lassitude confirmée par l’arrêt du programme en juin 2002. La diffusion a duré moins d’un an. J’avais oublié à quel point ça avait été court… ful-gu-rant.

Néanmoins, Burger Quiz tenait quelque chose du génie, peut-être dû à l’époque et par conséquent à ses célébrités d’invités – appartenant de près ou de loin au cercle de potes connus de la Grosse Emission, mêlant Robins des Bois, ex Nuls et stand-upers du moment, lorsqu’ils n’étaient pas sacralisés à outrance et qu’ils avaient ce quelque chose de gamin que l’on trouve peut-être aujourd’hui chez nos amis youtubeurs.

Le succès de l’émission ne tenait pas seulement à ses invités, mais à ses auteurs, qui pondaient des questions complètement délirantes et sincèrement drôles, dans la filiation de l’humour Chabatesque, co-créateur du programme avec Abd-el-Kader Aoun.

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En cherchant un peu (gros bisou, Wikipédia), on découvre que ce dernier avait déjà été auteur pour Nulle part ailleurs et les Guignols, qu’il a également participé à la création de la série H, réalisé la Tour Montparnasse infernale et qu’il produit et met en scène de nombreux humoristes français aujourd’hui. Parmi eux, Norman Thavaud. Tu la sens, ma bonne intuition initiale quelques lignes plus haut ?

Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour saisir un bon programme, qui ne semblait pas complexer des candidats au sujet de leur culture générale, puisque leur incertitude face à quelques questions sérieuses était partagée par les autres invités, dont la célébrité complique la sanction par le public fan et donc bien pensant. Seul travers concernant les candidats : eux aussi devaient se soumettre à l’exercice de l’anecdote personnelle en début d’émission, pour se démarquer. S’ensuivait un challenge totalement ridicule pour les départager dans les équipes : ouf.

Mais Burger Quiz, c’était aussi une question de terminologie qui, dans la bouche de Chabat et la voix OFF de Bruno Salomone, pressait toute la drôlerie de son absurdité. Avoir 25 miams pour tenter de remporter le Burger de la mort, la consigne suffit pour tirer un sourire perplexe en haussant les épaules.

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La convivialité du plateau – petit, avec des figurants sur tous les plans, les candidats serrés au milieu des deux invités, l’animateur pouvant se déplacer librement près d’eux – est bien loin de ces plateaux aseptisés qui inspirent plutôt l’intimidation, du genre « on se prend au sérieux les gars, c’est de la culture générale, faut les mériter les Larousse en or ».

Ca me fait un peu penser à C à vous et son succès, corrélé au déclin du Grand Journal : un petit plateau qui se veut sans prétention face à l’éternel plate forme surélevée, éloignée du public.

Les émissions du Burger Quiz sont rediffusées sur Comédie + en soirée, pour ceux qui ont accès à cette chaîne. J’aimais ce jeu de divertissement et souhaiterais que nous nous en inspirions pour les prochains. En d’autres termes : et si on se détendait un peu la nouille ?


La Messe du 20h.

Avec une scénographie qu'en met plein la vue. Avec une jolie métaphore du monde illuminé. Ou sur le point d'exploser, on sait pas trop.
Avec une scénographie qu’en met plein la vue. Avec une jolie métaphore du monde illuminé. Ou sur le point d’exploser, on sait pas trop. Puis Gilles on sait pas trop ce qu’il a. Ils lui ont demandé un sourire énigmatique, il a fait un sourire pédophile.

Par un geste instinctif et cérémonieux, nous nous donnons inopinément rendez-vous à 20h, au moment du générique anxiogène et plein de percussions du journal. Nous sommes nombreux à nous renseigner des actualités à ce moment là, parce que la grande édition de 20h tient le rôle de bilan des événements de la journée, et donne le sentiment d’offrir une actu sur laquelle le regard s’exerce de façon plus légitime puisqu’à posteriori et disposant donc d’une petite distanciation. J’ignore si c’est une réalité, c’est simplement le sentiment que cela provoque.

Le jour même, nous avons certainement écouté les flashs d’infos du matin, à la radio, ou bien sur les chaînes de télé d’infos, répétés en boucle, avec les mêmes images, les mêmes phrases clés… Reprises le soir même par notre grand manitou David ou son co-worker de la mousse. « Un (micro-pause-effet-d’attente) coup de tonnerre [au sein de quelque chose] », « l’été (miguenie pause) le plus chaud (pause-un-peu-plus-longue-effet-d’attente) depuis 1789 », « L’amalgame de [allez, tout le monde allait dire Marine Panpan] ». Enfin, vous voyez, quoi.

Depuis mercredi dernier, cette grande messe d’information revêtait toute sa dimension symbolique ; nous avions besoin de bilans, d’invités, de commentateurs et de précisions, même si, entre nous, nous n’avions pas besoin d’images. De certaines, du moins.

Le problème, c’est qu’une semaine plus tard, David Pujadas me cause encore du passé et de l’enfance de Koulibaly, en montrant les mêmes images de la « banlieue » essonnienne et des bâtiments plutôt moches de Viry. Là où je passais tous les jours en voiture pendant trois ans pour aller à la fac en me disant ; ces bâtiments sont quand même vachement moches. Et bien, nous avons changé de chaîne, et nous avons regardé le JT de TF1. Nous ne le regardons jamais, d’habitude, simplement, eux relataient d’autres informations, concernant la boîte noire de l’avion d’AirAsia, les dernières actualités culturelles, la question de la transition énergétique et par conséquent la nouvelle coiffure de Ségolène Royal… Enfin, d’une certaine manière, Gilles Bouleau faisait son boulot.

Pomts pomts.

Mais au-delà des derniers événements, qui ont ouvert les débats concernant la pertinence et la question d’éthique et de professionnalisme dans le corps journalistique, les JT du vingt heures me font dire des gros-mots devant la télé depuis un certain temps déjà, pour de nombreuses raisons. On y va.

Hormis le fait que Pupu ait carrément pas de lèvres. Quoi, c'est puéril ? J'y suis pour rien pour le nez rouge. Ca fait + "coucou les amis".
Hormis le fait que Pupu ait carrément pas de lèvres.
Quoi, c’est puéril ? J’y suis pour rien pour le nez rouge. Ca fait + « coucou les amis ».

→ L’audience est dantesque, et par conséquent l’exercice de l’influence du vingt heures est tout aussi important ; or, les JT trimbalent une ligne éditoriale, filtrée quoiqu’il arrive par un œil politisé, critique, et subjectif. Les choix de reportages et de sujets faits au détriment de certains autres trahissent la volonté d’orienter notre réflexion, notre perception des choses ; l’actualité est guidée. Cela signifie aussi que l’on décide à notre place de ce qui peut nous intéresser ou non un beau jeudi soir. Lorsque Bouleau consacre une grande partie de son journal à relater les différents hommages rendus aux personnes disparues de l’attentat de Charlie Hebdo, et dresse ensuite le bilan des actions macabres de Boko Haram au Nigéria pendant une minute trente ou deux… Et bien non seulement l’audimat s’aperçoit de cette différence de temps consacré à l’un et à l’autre sujet, mais elle est aussi en mesure de tirer des conclusions de ce déséquilibre vis-à-vis de l’information. Le Nigéria, c’est loin, les – environs – vingt personnes tuées sont des anonymes dans l’imaginaire collectif, alors une minute trente suffisent à susciter l’indignation, à choquer les esprits, et puis à passer vite à autre chose sans laisser une tâche trop importante dans notre petite boîte crânienne.

Alors vite, nous passons à des reportages d’opinions dans la rue, à propos, que sais-je, d’une grève des trains, de la nouvelle caricature de Mahomet en une de Charlie (et qui a dit qu’il s’agissait de Mahomet ? Est-ce qu’il y a une légende pour le signaler ? Ou bien un homme barbu avec un turban suffirait-il à justifier que l’on en tire cette conclusion ? Pourquoi interprétons-nous tout ? Et si l’homme à barbe avec un turban, c’était nous tous, ou bien seulement une idée, et non un personnage nominatif?). En voilà, des interventions pertinentes, souvent maladroites ; les interlocuteurs ne doivent pas être toujours bien préparés, et de toute manière, qui est en mesure de résumer ce qu’il pense d’un événement de l’actualité sur le tas, dans la rue, devant un gros œil noir et une équipe de gens parfaitement inconnus ? Comment construire une réflexion intéressante, structurée et réellement à soi dans ces conditions ? Pas grave, les gars, on a la phrase « liberté d’expression », on diffuse.

Ces derniers temps, j’ai essayé de prêter plus d’attention aux images choisies et montées pendant les reportages. Les couloirs d’un tribunal, un mec qui passe en robe de magistrat, un susnommé « intellectuel » assis devant une bibliothèque (de laquelle on a préalablement retiré les Bds avec des filles à oilp), un mec qui marche dans un labo, que ce soit dynamique, des plans sur des parterres de fleurs, peut-être de rond-point, peut-être pas…

Que ce doit être difficile pour les équipes de tournage, à qui l’on demande coûte que coûte une séquence suffisamment longue pour couvrir l’ensemble du commentaire. Alors on va filmer plein de vitrines de cadeaux pour Noël, et un Santa glauque dans un supermarché. La pertinence de l’image, en voilà, une question intéressante ; certains montrent des cadavres, ou ce qui y ressemble (même France 2, qui a diffusé des images de l’épicerie juste avant l’intervention des gendarmes, où l’on aperçoit à travers la vitre de l’entrée le corps d’un homme étalé au sol), et d’autres filment les entrées d’immeubles de sièges politiques ou bien de couples princiers. Peut-on seulement parler de ligne éditoriale, ou bien de grand écart, entre le bouche-trou visuel, la curiosité malsaine, et l’intérêt journalistique ?

Quelle responsabilité pour nos prêcheurs de l’info, lorsque tout le monde s’assoit dans son canapé ou bien entame son steak haché à vingt heures, devant la télévision. Qu’attendons-nous de ce temps d’information, que voulons-nous y voir et ne pas y voir, et sommes-nous suffisamment détachés pour en traiter le propos par nous-mêmes, et de façon critique ?

Alors voilà, à vingt heures, j’aimerais que l’on traite des informations de façon équilibrée, que le sport ne soit pas réduit aux résultats de ligue 1, ni même à des résultats uniquement, que le fait-divers ne constitue pas un long reportage dans lequel on interroge les voisins (« oui il était bizarre, je l’entendais se masturber le soir et il mangeait que des pizzas surgelées. Pizzas pour célibataires ! » – fin de citation imaginaire) et l’on filme la façade de la maison du présumé coupable d’un truc, et enfin que le speech de présentateur ne donne pas de jugements de valeur discrètement et peut-être involontairement ficelés au flot bien touffu de sa parole.

 

Et là, je vais surtout pas taper « flot touffu » dans google image pour illustrer cette dernière métaphore.

En revanche, je vais vous laisser constater la ressemblance bluffante entre l’incestueux Jaime et Laulau :

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On n’est pas couché (mais presque)ou l’émission devant laquelle tu peux constater l’échec de ta soirée de samedi soir.

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On a beaucoup trop de talk-shows sur nos chaînes. C’est vrai, toujours la même recette, sur des plateaux à peine différenciés, déroulant des concepts similaires. C’est simple ; ils disent tous porter un regard critique / réactif / décalé sur l’actualité, et les programmes du petit écran. Sauf que s’ils le font tous, et bien finalement, le concept n’est plus du tout décalé. Ca devient seulement une nouvelle actu sur laquelle porter un regard décalé.

Dans la famille, nous avons tout essayé. Sans mauvais jeu de mot ; On a tout essayé, Tout le monde en parle (je me souviens d’une époque où le casting d’Ocean’s Eleven était sur le plateau. Que foutait Brad Pitt sur le plateau d’Ardisson ?), Le Grand Journal, C à vous… On a suivi notre temps, pu vivre la disparition de certaines de ces émissions, et l’ascension des suivantes…

Mais la constante de ce joyeux bordel de partage audiovisuel consiste en une lassitude, inévitable, inextricable.

Rien à faire. C’est certainement nettement plus difficile pour les quotidiennes de ne pas devenir indigestes, par les formules répétitives, les invités qui ne sont pas assez renouvelés (je crois que Nolwenn et André Manoukian vivent en haut des escaliers visibles sur le plateau de C à vous) et puis surtout par la couleur donnée à l’émission, vivace, suintante, et presque clichée. On en a eu marre d’On a tout essayé parce que les chroniqueurs étaient devenus des caricatures, aux rôles prédéfinis, et l’émission une blague potache pour un temps d’interview extrêmement restreint et contraint (entre les boobs de Bravo. Parce que faut dire qu’elle en faisait des caisses avec certains invités, c’en devenait gênant). Le Grand Journal n’était plus seulement le plateau bobo-chic à qui l’on pardonne le bling-bling parce que c’est Canal et qu’après tout, Canal, c’est un peu resté l’héritage d’un mythe intello-bohème ; l’émission est seulement devenue bling-bling, avec des chroniques un peu branlantes sur « la meilleure vidéo du web ». Et puis, à partir du moment où Tania Bruna-Rosso est venue parler de musique sur le plateau en utilisant uniquement des anglicismes que personne ne comprend hormis la presse de la mode, nous avons reniflé le derrière d’un désamour. Enfin surtout mon frère, qui coupait le son ou changeait de chaîne au début de sa chronique. (Et dois-je vraiment parler d’Apathie?)

Alors voilà, depuis toutes ces évolutions, on se retrouve souvent autour de la table basse sur le canapé, après avoir débarrassé la table d’un samedi soir familial, devant On n’est pas couché.

Forcément, il faut avoir un bon Ruquier-transit. J’entends par là qu’il faut savoir fermer les yeux sur certains gags potaches, basés sur des photo-montages vaseux et un jeu de mot un peu facile.

Je ferme personnellement les yeux parce que Ruquier fait pour moi partie de ces monstres audiovisuels accessibles ; et cette remarque ne se base pas sur le cliché selon lequel « on aime Ruquier parce que c’est un homo gaucho progressiste et myope ». Non, je trouve simplement qu’il a quelque chose de bienveillant, avec ses invités mais aussi avec ses collègues. C’est simple, il suffit de regarder l’armée de chroniqueurs qui lui sert d’équipe depuis des années pour soupçonner le fait qu’il s’agisse d’un homme plutôt droit dans son boulot. Sinon, il aurait tout simplement fait le vide. Et puis, je ne sais pas comment, mais il a l’air de faire son travail ; vous savez, lire, mettre des post-it dans le bouquin ensuite, aller voir des spectacles, se renseigner sur ses invités… Ah merde, je suis peut-être un peu idéaliste ; l’équipe qui l’encadre fait tout aussi bien son boulot, puisque Ruquier ne peut décemment pas tout faire seul. Mais peu importe.

La qualité de l’émission dépend beaucoup des invités qui l’occupent, évidemment. Si l’un d’eux est un chanteur à deux balles qui a la conversation d’une huître, ou un écrivain sur-intello à deux balles qui a la conversation d’une huître, d’ailleurs, et bien on se fait très vite chier en attendant que le seul invité suscitant notre intérêt passe dans le fauteuil. C’est ce qui fait le point fort du talk-show ; le temps d’interview est long, et ne consiste pas seulement en une invitation cordiale à but promotionnel. Ce temps permet d’aborder d’autres sujets concernant l’invité, ou bien de confronter les opinions à propos de l’objet qui l’amène sur le plateau. L’intervention des chroniqueurs est faite pour créer ce dialogue argumentatif, mais là, nous nous trouvons à nouveau confrontés à l’une des faiblesses de l’émission.

Les chroniqueurs.

(sens le poids de cette remarque mise en GRAS)

(Bien)Malheureusement, on ne peut blâmer les chroniqueurs pour leur incomplétude, leurs maladresses, ni même pour leurs erreurs journalistiques. A cinq ou six invités par semaine, représentant des domaines et disciplines parfaitement distincts, sans compter l’invité politique de la première demi heure, on ne peut demander aux deux journalistes de maîtriser absolument tous les sujets, et par conséquent d’en offrir une interprétation légitime, juste, éclairée et intéressante. Leur inconstance est donc par là même explicable, mais par conséquent pas télévisuelle ; la mise en scène et la caméra forcent les chroniqueurs à défendre et justifier leur position en tant que spécialistes, même s’ils ne le sont pas. Ainsi Aymeric Caron devient simplement détestable et un peu pathétique lorsqu’il cherche hystériquement la ligne qu’il a stabilotée après l’avoir approximativement citée à charge contre un invité, et Léa Salomé me peine lorsqu’elle modifie le sens de sa question après avoir compris qu’elle n’était pas bonne, tout en assurant qu’il s’agissait bien de la question d’origine, mais que l’invité ne l’avait pas comprise. Mais tous m’ont fatiguée, même Audrey Pulvar, à qui je vouais une petite admiration au lycée lorsqu’elle animait jusqu’à 7h une émission sur France Inter, dont j’ai perdu le nom. Peut-être parce que je n’ai jamais vraiment entendu le nom, je dormais encore les dix premières minutes.

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Pour toi public.

 

De façon discutable par ailleurs, la scénographie de l’émission place les chroniqueurs dans des rôles de journalisme politisé, afin de jouer sur leur confrontation ; mais elle en est devenue caricaturale, manichéenne. Caron le gentil végétalien, Polony la méchante réac’ avec serpillière dans l’…

Certaines fulgurances des chroniqueurs permettent malgré tout à cette émission d’obtenir ses titres de noblesse (pas quand Sabatier a insinué qu’une ancienne collègue était morte, tandis que tout le monde après affirmait qu’elle était apparemment bien vivante en se tapant le cul par terre). En regardant On n’est pas couché, j’ai pu apprécier une forme de professionnalisme et un profond engagement chez Marisol Touraine, dont je ne connaissais de son travail que le nom de son ministère. Ségolène Royal avait presque l’air sympa, Guillon un peu désacralisé, Rachida Dati démontée, Plenel éclairé, Soan pas con… et Raphaël un peu con. Les invités sont mis en lumière sur le plateau d’On n’est pas couché, peut-être parce qu’ils oublient un peu ce pour quoi ils sont là, pendant le temps certainement interminable de tournage. Ils interviennent pour d’autres invités, même les politiques, parfois pour dire de bonnes choses, souvent pour dire des trucs nuls, mais les trucs nuls en disent finalement beaucoup sur leurs locuteurs.

Il manque peut-être, au plateau de Ruquier, la flexibilité des intervenants, qui font la réussite d’émissions telles que C dans l’air ou Ce soir ou jamais. Dans ces formules, la confrontation d’experts de leur propre tambouille bouillonne de sens parce qu’ils sont nombreux, et interchangeables. Cela boue nettement plus, en tout cas, que par le biais de deux chroniqueurs débordés, spécialistes de leur seul temps de parole à respecter.

On excusera la kitchitude du plateau et de la musique au saxophone sexy-intello du générique.
On excusera la kitchitude du plateau et de la musique au saxophone sexy-intello du générique.

 

 


 

Qui sera le meilleur pâtissier ? 

A ceux qui trouvent le concept télévisuel du « qui sera » abusif, je rétorquerais qu’ils n’ont pas tort. Qui sera le meilleur couturier, shoppeur, hôte, fossoyeur, le concept se détourne et se retourne dans tous les sens. Mais les chaînes de télé ont tout compris ; on adore voir des concours. Parce que ça confronte des personnalités qu’on croit connaître, et donc aimer ou détester, et parce que ça finit toujours par passer au zapping, pour des répliques complètement dérangeantes.

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Les émissions de cuisine, anglo-saxonnes ou françaises, ont flambé toutes les chaînes, et je ne m’y intéressais jusqu’alors pas du tout. Et puis, si vous avez suivi l’article « Apprendre à vivre seule », vous comprendrez pourquoi j’ai finalement découvert et adhéré à l’émission du Meilleur Pâtissier.

Je n’ai pas suivi la saison depuis le début, aussi je débarquais au milieu du concours ; tous s’affairaient à touiller des trucs, à en brûler d’autres, et à dire que c’était une super catastrophe parce qu’il n’y avait pas de petites bulles dans leur mixture. En soi, ça ne vend pas du rêve.

Mais ça m’a donné faim. 

Encore une fois, le fait de confronter des monsieurs et madames tout-le-monde, comme le dérivé d’une émission de télé-réalité, apporte pour beaucoup l’intérêt de l’émission, selon moi. Evidemment, la production se plaît à nous en montrer les portraits, dans leurs chez-eux, avec les n’enfants ; on connaît leurs professions, leurs statuts conjugaux. Mais plus encore ; ils ne se contentent pas de les filmer en train de cuisiner, ils en donnent un à-priori intellectuel. C’est sûrement immoral, mais nous les jugeons, pour choisir nos favoris. Si je me fous à peu près de la cuisine et de la pâtisserie, hormis le seul fait que ça ait l’air fortement appétissant, j’attends d’Abdelkarim une belle charlotte aux fraises parce qu’il a l’air tout mignon.

Coucou, j'aimerais être à la place du mixer
Coucou, j’aimerais être à la place du mixer

 

 

C’est futile, mais pour quelle autre raison regarderions-nous des gens faire à la télé ce qu’on peut faire tous les jours ?

 

 

Les candidats ne sont pas les seules variables de notre intérêt pour une émission de ce genre ; les présentateurs et co-présentateurs jouent également un rôle. Ici, l’émission a eu l’excellente idée d’associer deux personnalités facilement identifiables, et auxquelles ont peut s’identifier. Je veux dire, Cyril Lignac était celui que l’on voyait sur les boîtes de Kiri il y a un certain temps, et Mercotte est une grand-mère, même si elle est avant tout une starlette du web. Un mec fortement télévisuel, jouissant d’une forte notoriété dans sa profession, qui proposait autrefois des recettes à base de Kiri, nous paraît forcément sympathique. Associé à une mamie caractérielle, la paire est équilibrée et participe ainsi au succès de l’émission.

Bon ok y'a du favoritisme
Bon ok y’a du favoritisme

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