Bonjour. La pilule est-elle dangereuse pour ma santé ?

Bon. J’ai voulu commencer à lire des choses sur les effets réels ou supposés de la pilule contraceptive sur le corps des femmes. L’objectif après ces premières recherches : trouver les bonnes personnes à interroger pour avoir un panorama le plus juste possible de l’état de la contraception orale en France et essayer de placer un papier, pourquoi un reportage radio. Et puis, finalement, j’ai rédigé le cheminement de pensée qui était le mien, à mesure des lectures que j’ai faites, en tant qu’usagère de la pilule. Parce que c’est finalement la conclusion de cet article : la contraception, c’est avant tout personnel. Je profite donc du blog pour partager le versant perso de ces premières lectures, que j’espère faire fructifier autrement – plus professionnellement, on va dire. Pour ça, il faudra poser des questions à Sabrina Debusquat au sujet de son livre, à Marc Zaffran et Israël Nisand, ou encore à de nombreuses utilisatrices et non utilisatrices de la pilule.

Lorsque j’ai eu 16 ans, en seconde, toutes mes copines se sont enorgueillies d’être allées faire un frottis chez le gynécologue. Comme je ne savais pas ce que c’était, j’imaginais un acte médical assez peu intrusif, comme un gratouillis de la vulve qu’on mettrait sous un microscope pour voir si tout allait bien. Le fait de trouver ce « gratouillis » anodin est assez évocateur : ça paraît si évident, presque cool, qu’on oublie presque qu’il s’agit bien là d’une intrusion de nos parties génitales. Pensons, ensemble, à un toucher rectal, alors peut-être sacraliserons-nous peut-être de nouveau le frottis du gynéco. A l’époque, j’avais demandé à ma mère pourquoi, moi, je n’étais jamais allée chez le gynéco. Son praticien lui avait simplement répondu qu’il n’y avait aucune raison de faire un frottis à une jeune femme de 16 ans sexuellement sans histoire. A 16 ans et demi, je me faisais prescrire la pilule contraceptive par ma généraliste, après avoir eu mes premiers rapports sexuels. Je ne me souviens pas de la consultation, ni de ce que mon médecin m’a dit de la contraception en général. Je me souviens simplement de la prise de sang qu’elle m’a prescrite pour s’assurer, certainement, qu’il n’y avait aucune contre-indication. Nous avons parlé des risques liés à la cigarette : à l’époque, elle m’a conseillée de bien surveiller ma consommation et de me limiter, idéalement, à 5 clopes par jour. Chose que j’ai tenue un court temps pour finalement prendre l’habitude de fumer une dizaine de cigarettes par jour. Depuis le mois de novembre 2016, je n’ai plus touché à une cigarette – une petite fierté que je précise alors que vous vous en foutez un peu.

Après cette consultation, je n’ai plus jamais parlé de gynéco. J’y suis allée une première fois à 22 ou 23 ans, profitant d’un rendez-vous pris pour ma mère. Si j’étais plutôt contente de m’y rendre comme une adulte, j’étais extrêmement mal à l’aise et stressée dans la salle d’attente, dont la déco style Louis XV contribuait à rendre le lieu hyper bizarre (« est-ce que je vais me faire touiller la fouffy sur une table rembourrée de velours vert ? »). Le gynéco m’a fait une échographie et m’a palpé les seins – en fait, c’est moi qui lui ai demandé de m’ausculter ; après quelques questions, il m’a dit qu’il n’y avait aucune obligation de le faire, mais qu’il regarderait si ça me rassurait.

Sens-toi à l’aise. Oui, cette photo, c’est pour meubler et donner l’illusion qu’il n’y a pas trop de texte à lire.

2 ou 3 ans plus tard, il était enfin temps d’aller chez un gynéco : il s’agit du fameux examen officiel des 25 ans. Nous y sommes allées ensemble, avec ma cousine, et avons pris rendez-vous auprès d’une sage-femme conseillée sur un site internet répertoriant les praticiens respectueux du vagin des femmes. Nous avons eu cette démarche après avoir vu plusieurs témoignages de femmes ayant subi des violences gynécologiques, dont le spectre passe des violences verbales, comportementales, aux gestes brusques, voire non consentis. Voilà ce qu’était ma perception de la profession : sans parler de défiance, je dois parler d’une certaine conscience de ce que représente l’exercice du pouvoir d’un savoir médical et de ses potentielles dérives.

Lorsque je lui ai parlé de l’existence de ce site internet, la gynéco en question a haussé les sourcils, l’air un peu perplexe : elle ne sait pas ce qu’elle fait sur ce site et ne revendique rien. C’est ce qui s’appelle être victime de sa popularité, certainement. Sa salle de consultation ressemblait à une chambre d’adolescent.e. Les murs, aux couleurs non neutres (rose, dans mon souvenir), étaient recouverts de photos ou dessins d’enfants des femmes qu’elle avait accouchées. Une pièce rassurante, qui devient malgré tout un peu trop grande quand on s’y trouve nu.e. Elle m’a proposé de me dévêtir, si je le voulais bien. M’a précisé quoi retirer, quand. M’a décrit tous les gestes médicaux qu’elle allait faire avant de les faire. M’a demandé, pendant le frottis, si j’étais partie en vacances. Je me sentais détendue. Et pourtant, à la fin du rendez-vous, elle a repris ma tension : elle était sacrément retombée par rapport au début. Nous avons parlé des formations qu’elle suit en tant que praticienne, de suivi gynécologique, et de contraception. Je lui ai posé la question qui m’inquiétait le plus au sujet de la prise de la pilule : l’accroissement du risque d’infertilité, jamais corrélé par une prise de pilule dans aucune étude, d’après elle. Je quittais son cabinet, la feuille de prescription de la pilule pour une année de plus dans la main.

L’image d’accueil du site répertoriant les gynécos vagin friendly

Cela fait bientôt 10 ans que je prends la pilule. Jusqu’à mes 24 ans, je ne l’avais jamais soupçonnée d’être nocive pour ma santé. En fait, c’est plutôt les discours des autres qui m’ont inquiétée : la pilule a influencé l’humeur de certaines de mes proches, les a fait grossir, prendre de la poitrine, a supprimé leur acné, leur a donné des plaques rouges sur les avant-bras. L’arrêt de la pilule a provoqué une poussée de boutons, leur a fait retrouver un appétit sexuel, leur a fait perdre des seins. Car c’est vrai, après tout : c’est de l’hormone en cachet, ce n’est pas naturel, ça a forcément des effets sur le corps. Ceux-ci seraient surtout négatifs. Le fait d’arrêter la pilule devient presque un acte d’émancipation : je refuse d’imposer à mon corps des modifications chimiques pour le confort sexuel de ces messieurs. Car prendre la pilule contraceptive, c’est une préoccupation essentiellement féminine : je dis essentiellement car j’ai personnellement la chance d’avoir un compagnon qui me demande – presque – tous les soirs si j’ai bien pensé à prendre ma pilule. Une façon de participer.

En l’espace d’une année, la pilule est devenue une sorte de poison que j’ai voulu remplacer rapidement par un stérilet en cuivre. Je culpabilisais presque de choisir la facilité et de repousser le rendez-vous chez le gynéco pour changer ma contraception.

C’est en sortant du cabinet de la gynéco vagin-friendly que je me suis aperçue que je n’avais jamais pris l’initiative de lire quoi que ce soit sur le sujet.

Toutes mes croyances s’étaient forgées à partir des discours des autres. Comment penser la pilule contraceptive, dispositif médical, pharmaceutique, par soi-même ? La première chose que j’ai faite, c’est questionner mon moteur de recherche – d’abord Lilo, puis Google. Rapidement, les recherches se lient aux questions des effets secondaires. Et ils sont nombreux, accentués par la magie bordélique d’une recherche sur les internets, qui juxtapose les titres de presse, de blogs, de forums. Si l’on ne devait en retenir que quelques-uns, nous garderions les sept effets secondaires listés par la presse scientifique futura-sciences : saignements en dehors de la période de règles, nausée, seins douloureux, maux de tête, prise de poids, changements d’humeur. Je n’ai personnellement jamais subi un seul de ces symptômes, excepté bien sûr les maux de tête qui peuvent avoir de multiples facteurs. La pilule ne m’a pas fait prendre de seins, ni de poids, ni ne m’a coupé l’appétit, sexuel ou autre, ni ne m’a régulé l’acné. Rien. Chaque corps réagit différemment. Le mien semble s’en foutre pas mal.

La pilule contraceptive Daily Gé – le générique du Trinordiol que je prenais avant – cumule pas moins d’une quarantaine d’effets secondaires rapportés, dont les fréquences varient de très fréquent – cela affecte plus d’une utilisatrice sur dix – à très rare – cela affecte moins d’une utilisatrice sur 10 000 (il y a aussi les fréquences non connues). Plus la fréquence est rare, plus les symptômes sont flippants – comme les risques de crise cardiaque, d’AVC ou encore de caillots sanguins dans le foie. A côté, des médicaments comme le Smecta, le Doliprane (1 000mg) ou encore l’Aspirine (500mg) – dont on trouve les notices sur le site de l’ANSM – cumulent respectivement trois, cinq et sept effets secondaires déclarés.

Concernant la pilule, on retrouve des effets secondaires fréquents très connus, pour certains mentionnés par mes proches, tels que les maux de tête, des vaginites, l’acné, les douleurs pendant les règles, la modification de la libido, du poids et de l’humeur. Ces symptômes qui me sont étrangers.

Lupin hyper perplexe devant la longueur de la notice de ma pilule contraceptive. Oui, elle est recto-verso.

Une angoisse nouvelle vient enfler la cage thoracique lorsqu’on lit des titres étudiant les liens entre pilule et cancer. Des faits que j’ignorais tout à fait.

L’une de mes premières lectures sur le net parlait de ces éventuels sur-risques de cancer chez les utilisatrices de la pilule contraceptive, et se voulait plutôt rassurante. Ce rapport, réalisé en septembre 2017 par cinq spécialistes – Dr Geoffroy Robin, Dr Brigitte Letombe, Dr Christine Rousset-Jablonski, Pr Sophie Christin-Lemaître et enfin le Pr Israël Nisand – s’intitule Faut-il vraiment avoir peur de la pilule contraceptive ? (communiqué de septembre 2017 à télécharger). En analyse de texte en licence de lettres, on aurait pris pas mal de temps à analyser la valeur visiblement relativiste de l’adverbe « vraiment ».

Les conclusions du rapport rappellent les chiffres concernant les risques les plus anxiogènes liés à la prise de la pilule contraceptive et s’attardent notamment sur les liens entre cancer et pilule qui sont très clairement détricotés : léger sur-risque pour le cancer du sein qui disparaît après l’arrêt de la pilule, réduction du risque de cancer de l’endomètre, réduction du risque de cancer de l’ovaire, du cancer du côlon et du rectum, augmentation du risque de cancer du col de l’utérus difficile à analyser à cause de biais dans les études, et plus largement, pas d’augmentation de l’incidence des cancers (tous confondus) ou de la mortalité par cancer chez les utilisatrices.

La quatrième partie du rapport, concernant les « bénéfices additionnels de la pilule contraceptive », m’a mis la puce à l’oreille. Pourquoi ajouter une partie promotion de la pilule dans un rapport qui s’attache déjà à faire de la pédagogie autour de ses effets néfastes, réels ou fantasmés ? La cinquième partie achève de nous convaincre sur les objectifs du rapport, et tend à minorer certains effets secondaires que l’on lie à la prise de la pilule contraceptive. Parmi eux, le risque d’infertilité, les troubles de la libido (« …une revue de la littérature sur 30 ans ne retrouve pas de profil précis permettant d’affirmer qu’un facteur hormonal ou biologique est déterminant dans ces troubles de la libido décrit chez certaines utilisatrices de la pilule contraceptive ») ou encore le risque de dépression (« la revue de la littérature la plus récente … conclut que : – d’une part les résultats sont contradictoires mais que la majorité des études va dans le sens d’un effet plutôt neutre de la pilule sur le risque de dépression ; – et que d’autres part, la plupart des études qui retrouvent une augmentation de risque de syndrome dépressif chez les utilisatrices de pilules ne prennent pas en compte les facteurs confondants, ce qui signifie en d’autres termes qu’elles ne sont donc pas méthodologiquement fiables »).

Dans un premier temps, ce rapport apparaît ouvertement pro-pilule. A tel point que cela pousse à chercher d’où viennent ces noms de médecins brandis à sa tête. C’est tellement plus facile – et plus rapide – de chercher à compromettre la légitimité des rapporteurs que de lire toutes les études mentionnées sur le sujet pour vérifier toutes les conclusions. Tout d’abord, on apprend ce qu’est le CNGOF, dont Israël Nisand est le président, et les trois premiers noms co-signataires du rapport des membres. Il s’agit du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, assurant la mention « sérieuse » du dossier. Le CNGOF n’est pas qu’une organisation symbolique de réflexion autour des pratiques obstétriques, il s’agit d’une asso qui travaille de concert avec les pouvoirs publics pour remplir des missions concrètes, telles que « l’élaboration de projets de politique sanitaire dans le domaine gynéco-obstétrical », la mise « au point et » la promotion, « en France, d’une politique gynéco-obstétricale cohérente », la proposition et le soutien de « toute mesure visant à améliorer la formation des futurs spécialistes », ou encore l’évaluation des « pratiques professionnelles ».

Après quelques recherches, je tombe donc sur un article du Monde daté de 2013, dont le titre est assez évocateur : « Pilule, enquête sur ces médecins liés aux laboratoires ».

L’article épingle plus particulièrement le professeur Nisand et la doctoresse Letombe pour avoir plébiscité les pilules de troisième et quatrième génération, tandis que Marion Larat poursuivait le laboratoire Bayer après avoir été handicapée par un AVC sous pilule contraceptive – c’était entre les années 2011 et 2014 (En février 2018, le tribunal a reconnu l’ « accident médical » et « condamné l’office national d’indemnisation des accidents médicaux à verser une provision de 550 000€ pour les préjudices subis », rapporte 20Minutes. Marion Larat, porteuse d’une mutation génétique qui aurait du proscrire toute contraception hormonale, est handicapée à 65% des suites de son AVC. De nombreux articles ont suivi son histoire, qu’elle a rapportée dans son livre La Pilule est amère). « Le Monde a retracé l’activité récente de ces experts : il apparaît a minima qu’ils ont tissé des liens étroits avec les laboratoires. Israël Nisand, dont le nom est constamment associé à la communication des firmes Effik et HRA Pharma, revendique sereinement cette proximité. « J’ai des intérêts avec tous les laboratoires qui m’aident à organiser des congrès dans ma ville« , a-t-il dit au congrès Infogyn 2012. Et de nous expliquer que 25 laboratoires financent sa réunion annuelle de formation des gynécologues d’Alsace. Que lorsqu’il est expert invité à la conférence de presse d’Effik, on lui « rembourse l’après-midi« « Je viens à Paris, je ne vais quand même pas le faire à mes frais !«  Qu’il animera en avril les « Samedis de la contraception » à Strasbourg, formation continue financée par les laboratoires – un mois après que Brigitte Letombe aura fait de même à Lille. »

La figure du professeur Nisand est pour le moins difficile à catégoriser : il n’est pas mon gynécologue et il ne représente pas, malgré sa responsabilité dans l’organisation qu’il préside, tous les praticiens de France. Déjà en 2013, ses propos concernant les pilules de troisième génération, sous le feu des critiques suite aux poursuites engagées par Marion Larat, étaient nuancés face aux questions de la journaliste Monique Canto-Sperber dans l’émission Questions d’éthique. « Nous ne savons pas s’il y a une différence entre les pilules de deuxième et troisième génération. On en a l’impression », une impression tirée d’après une étude danoise qui entrait, selon le professeur Nisand, des cas de femmes à risque pour tester des pilules de troisième génération. Il admettait néanmoins que l’Agence nationale de santé aurait pu émettre un principe de précaution afin de privilégier la prescription de pilule de deuxième génération. Au micro, il disait regretter l’agitation d’annonces anxiogènes sans prise de position claire de la part des autorités publiques : si les pilules de troisième génération sont réellement dangereuses, pourquoi ne pas les retirer purement et simplement du marché, plutôt que de les dé-rembourser. Une critique qu’il a reformulée au micro de France Inter face à Léa Salamé en 2017. Mais, déjà en 2013, Israël Nisand rappelait que les oestrogènes augmentent les risques de thrombose et qu’il existe des profils de femmes à risques pour lesquels certaines prescriptions sont proscrites (parmi les sur-risques, il soulignait les anomalies hépathiques, de la coagulation, hypertensives et cardiaques, le fait de fumer ou encore l’obésité). Puis de déclarer qu’en 2013, « Nous ne savons pas combien il y a d’accidents en France car les agences sanitaires n’ont pas fait leur travail épidémiologique. Nous sommes obligés d’aller regarder chez nos voisins pour voir le nombre d’accidents. » Et de conclure : « Comment voulez-vous que les femmes aient confiance dans un médicament qu’elles prennent tous les jours alors qu’on leur dit que ça tue. Pour moi, il y a là une désinformation, je n’en comprends pas le motif ».

Dr Israël Nisand au micro de Léa Salamé sur France Inter en octobre 2017

Son discours, en 2017, ne semble pas avoir réellement changé et mêle plusieurs interrogations, dont deux préoccupations que j’ai moi-même liées au début de ce récit sans en avoir réellement conscience : la défiance envers une contraception médicamenteuse combinée à la défiance envers le corps médical et son autorité. A cela, l’idéologie voudrait certainement ajouter « au profit du retour à la nature ou au naturel », mais l’association est réductrice par bien des aspects et répond trop facilement aux envies et tendances médiatiques du moment. Dire non à la pilule n’est pas le seul combat de femmes qui souhaitent un retour à l’état naturel hormonal de leur corps, ni de leurs règles ; cet arrêt peut avoir des causes écologiques ; de santé ; économiques ; matrimoniales ; de simple confort. Il est important de préciser « de santé », notamment parce que la pilule a un autre effet secondaire que j’ai très peu lu jusqu’ici et qui est pourtant bien problématique : elle empêche ou retarde le diagnostic d’une éventuelle endométriose, qui touche une femme sur dix en France et provoque de très fortes douleurs (des tissus semblables à la muqueuse utérine se trouvent sur d’autres organes). Prescrite parfois comme un traitement pour supprimer les règles particulièrement douloureuses, la pilule contraceptive masque les effets de l’endométriose chez certaines femmes dont on n’a encore jamais détecté les symptômes.

Bref, Israël Nisand résume finalement en une phrase ce que devrait être la contraception en France : « La meilleure contraception pour une femme, c’est celle qu’elle-même choisit », tout le problème étant dans le degré de liberté et de conscience de ce choix.

Brigitte Letombe, ciblée par l’article du Monde cité plus haut et datant de 2013, est également membre du CNGOF et appartient notamment à la « commission gynécologie médicale » dont Geoffroy Robin – co-signataire du rapport sur les risques de la pilule – est le président. Parmi ses projets d’action pour 2017 : « Rédaction d’une réponse scientifique au livre J’arrête la pilule destinée au grand public mais aussi aux professionnels de santé impliqués en contraception ».

Etrange, cet objectif, et très ciblé, surtout. Je n’avais pas entendu parler de ce livre, qui est en fait le résultat d’une enquête d’une année par la journaliste Sabrina Debusquat. A son titre, on s’attend à lire le cas pratique de l’arrêt de la pilule sur une femme. Au sous-titre, en revanche, on comprend qu’il est quelque peu orienté : « AVC, migraines, prise de poids, fatigue, baisse de libido, dépression, cancers, infertilité ». Vous les reconnaissez : il s’agit d’effets secondaires liés à la prise de la pilule, de très fréquents à très rare, voire à non prouvés si l’on en croit le rapport du CNGOF. Sauf qu’ici, ils sont tout simplement juxtaposés, comme des évidences. Des effets. Non plus secondaires.

La couv du livre réédité de Sabrina Debusquat J’Arrête la pilule

Lorsque j’ai terminé la lecture de ce livre, j’avais envie de chialer et de balancer ma plaquette de pilules par la fenêtre.

Aucune modération des effets secondaires comme ils le sont dans mes autres lectures sur le sujet : la journaliste les juxtapose en citant de nombreuses études et fait valider ses conclusions par des spécialistes dont les fonctions sont tout à fait sérieuses. « Une année d’enquête » aboutit à un essai clairement anti-pilule, dans la mesure où n’importe qui, à la lecture de ce livre, conclurait que la pilule nuit à la santé des femmes, voire les tue. Dès le début de l’essai, j’apprends que la pilule a été autorisée sur le marché pour des raisons eugénistes, moyennant des essais aux méthodes douteuses – dont un au cours duquel 5 femmes sur plus de 800 sont mortes pour de mystérieuses raisons. Que le contrôle des naissances des populations pauvres soit une raison réelle ou un combat idéologique bidon et obligatoire afin de faire avancer les droits des femmes, Sabrina Debusquat tranche : Margaret Sanger, infirmière américaine et « féministe de la première heure », porte-voix de la pilule contraceptive aux Etats-Unis, partage dans sa correspondance privée des idées difficilement soutenables, « jusqu’à la fin de sa vie alors même qu’il n’y avait plus aucun intérêt ». Parmi les punchlines eugénistes et racistes de Sanger citées dans le livre, on trouve : « les parents devraient avoir à demander le droit d’être parents de la même manière que les immigrés demandent un visa pour entrer dans un pays » ou encore « Je crois qu’il faudrait, là, tout de suite, une campagne de stérilisation nationale envers les dysgéniques » dans une lettre adressée à Katharine McCormick, qui soutient financièrement ses recherches.

Alors qu’est-ce qu’on fout, nous toutes, à continuer de la prendre ? Ce n’est pas entièrement notre faute. Nous sommes une fois de plus les victimes de politiques machistes et de machinations industrielles juteuses. Nous sommes manipulées par nos médecins et nos gynécos. Nous n’avons pas les clés de compréhension. Sabrina Debusquat nous en donne.

L’interview de Sabrina Debusquat par Nidhya Paliakara dans l’émission Grand angle de TV5 Monde en octobre 2017

Difficile de contester la puissance de son livre. Un chapitre ne parle même plus d’effets secondaires potentiels mais propose de les « limiter ». L’effet d’un tel discours a été immédiat sur moi : c’est vrai que, depuis 2 ans, après avoir repris la pilule avec mon nouvel amoureux, je me plains plus souvent de maux de tête. Et puis ces petits coups de mou. Après tout, tout ça, c’est sûrement des effets secondaires de la pilule, que je n’avais jamais analysés comme tels mais que la lecture du livre de Sabrina Debusquat m’aurait permis de diagnostiquer.

Mais si je dois consulter un médecin pour en parler, s’agira-t-il de l’un de ces praticiens compromis ? Toutes les violences obstétricales, gynécologiques, les abus de pouvoir des blouses, leurs conflits d’intérêt ont-ils été suffisamment prouvés et systématiquement démontrés, si bien qu’il devient plus sage de s’informer sur sa santé à travers des enquêtes journalistiques ? Qui seront les prescripteurs de confiance ? Qui sont les personnes qui ont créé ce site internet référençant les gynécologues vagin friendly ? Pourquoi, lorsque l’on cherche des informations sur des sujets aussi variés que le végétarisme, la pilule contraceptive, le politique et la démographie, un nouvel outil de prévention du VIH, les initiatives citoyennes, les penseurs ou propositions intellectuelles sont-ils tous soumis à l’exercice du doute, de l’enquête ? Doit-on appliquer le principe de vigilance pour absolument toutes les expertises, toutes les opinions, et comment, dans ce cas, ne pas l’appliquer systématiquement à soi-même ? Qu’est-ce que le savoir et la connaissance aujourd’hui, si ce n’est la négation d’autres savoirs corrompus ?

Concernant le livre de Sabrina Debusquat, j’ignore si chaque étude scientifique mentionnée a sa contre-étude. J’ignore si l’ensemble de son livre souffre d’un parti-pris idéologique. Je ne sais pas reconnaître l’information, tirée de faits, de l’idéologie, tirée de l’interprétation de faits et de chiffres : ce doute est le principal dysfonctionnement de ce qui s’apparente bien plus à un essai, mais que la journaliste présente comme une enquête.

Je sais en revanche l’autre effet qu’ont eu d’autres parties de son livre, notamment la dernière qui, après avoir déballé les origines eugénistes de la pilule, ses effets secondaires, son lobby intellectuel et pharmaceutique, se laisse aller à l’opinion personnelle. Sabrina Debusquat y parle des femmes, et de ce qu’elles pensent. Je ne sais pas où peuvent se mettre celles qui ne pensent pas de cette façon. Je ne savais personnellement plus où me mettre. Extraits choisis – parce qu’un extrait est forcément choisi – qui m’ont particulièrement mis mal à l’aise :

  • une citation d’Annette Lexa en exergue, d’abord : « Les femmes, contrairement à ce qu’elle pensent (sic), ne se sont pas émancipées du contrôle que la société exerce sur leur corps et leur sexualité. Elles ont troqué un maître (père, époux, prêtre…) pour un autre, représentant le pouvoir technoscientifique prométhéen censé veiller sur leur corps forcément détraqué » ;
  • sur la charge mentale et le fait que les femmes aient gagné le droit de gérer une double-journée tout au long de leur vie : « Pour beaucoup, la situation est si tendue et insupportable qu’elles préfèrent prendre la pilule, malgré les risques pour leur santé et les effets secondaires, plutôt que de tomber enceinte à nouveau. Or, si elles n’avaient pas à assumer ces double journées, les femmes seraient moins angoissées à l’idée de tomber enceinte » (sic) ;
  • « …prendre sur soi pour compenser une organisation sociale misogyne n’a rien d’une liberté. C’est une adaptation, un instinct de survie. Un pis-aller qui doit rester provisoire. Comment peut-on continuer à accepter cette double peine ? Comment peut-on se résigner de la sorte ? C’est un fait sur lequel chacune d’entre nous doit profondément réfléchir. Car estimer que ce que nous avons est ‘’déjà assez bien’’, accepter sans broncher certains sacrifices alors qu’il existe d’autres possibilités est une attitude de soumission, de démission » ;
  • s’ensuit le titre de la partie suivante, qui est « Une passivité féminine culturelle qui freine la conquête de nouveaux droits » – « beaucoup (de femmes) semblent se résigner à cette situation » ;
  • « Les femmes commencent à comprendre que la pilule n’est pas l’émancipation qu’elles attendaient » ;
  • concernant la récupération du discours anti-pilule par des courants de pensée rétrogrades, misogynes, et leur effet sur les femmes : « Elles ne croient plus en leur médecin, elles fuient tout produit synthétique qui pourrait encore abîmer un peu plus leur corps. Après avoir arrêté leur pilule, elles décident d’adopter un mode de vie plus sain et écologique. Pour se documenter, elles lisent des articles sur les dangers de la pilule, sur l’écologie et elles tombent sur des sites de propagande. C’est alors parfois que leur chemin croise celui d’idéologues qui n’hésitent pas à profiter de ce moment de fragilité pour les pousser à rejoindre leur mouvement. Certaines se font happer. En tant que femmes, réfléchissez deux fois à ce mirage » Mais qui sont ces femmes-types ? ;
  • sur les méthodes de contraception naturelles, dont l’auteure fait, certainement sans s’en apercevoir, l’apologie : « Heureusement, beaucoup de femmes ne cèdent pas à cette tentation du retour en arrière. Elles ne veulent plus mettre leur santé en danger à cause de leur contraception mais elles n’acceptent pas pour autant de faire de la maternité l’axe principal de leur vie. Pour cela, elles ont trouvé des alliés inattendus : elles se servent de méthodes naturelles, initialement portées par des mouvements religieux, pour les mettre au service de leur mode de vie moderne et résolument féministe. Les risques – dus aux hormones ou à la présence d’un corps étranger – sont absents et leur plaisir n’est à aucun moment atteint. (…) Quand on y pense, n’est-ce pas là une solution bien plus féministe que la pilule ? » ;
  • « Côté masculin, la plupart des hommes qui s’essaient à ce type de contraception sont plutôt satisfaits. Ils préfèrent utiliser quelques jours par mois un préservatif et retrouver l’élan sexuel naturel de leur femme plutôt que de ‘’l’avoir à disposition’’ continûment alors qu’elle frôle la frigidité. Ils sont aussi heureux de ne pas la voir souffrir quotidiennement de maux divers qui peuvent la rendre irritable. Heureux de savoir que leur compagne ne prend pas de risques pour sa santé ou sa fertilité future et que leurs enfants seront abrités dans un corps sain » ;
  • « Les femmes modernes sont tiraillées. Elles doivent souvent en faire plus que les hommes pour s’imposer dans le monde de l’entreprise et font taire violemment leur désir de maternité pour favoriser leur carrière. Parce qu’elles étudient, se trouvent trop jeunes, ou manquent de moyens financiers (mais rarement par pure envie), elles reportent, étouffent, diffèrent. Le désir refoulé entre alors en conflit avec la contraception et menace son efficacité » ;
  • après avoir de nouveau parlé des méthodes de contraception naturelles, qui l’ont « libérée » et rendue « parfaitement consciente » : « Pour moi, comme pour de nombreuses femmes, arrêter de leurrer son corps chimiquement, c’est aussi apprendre à arrêter de se leurrer soi-même » ;
  • « Chercher une autre contraception que la pilule permet de faire le point sur ses envies profondes », « C’est laisser remonter à la surface les instincts profonds, sauvages et les désirs inavoués qui n’ont que faire des conventions sociales et du pragmatisme » ;
  • « … si les méthodes naturelles connaissent une deuxième jeunesse, c’est parce que toute une génération de post-pilule y trouve des avantages supérieurs à la contraception pharmaceutique hormonale. Une voie de liberté, de respect de soi et des autres » ;
  • « Les jeunes générations se préoccupent beaucoup de l’environnement, sont bien plus critiques que leurs aînés vis-à-vis du ‘’tout médicament’’ et ont souvent une vraie défiance envers l’industrie et l’économie qui ne les font plus rêver » ;
  • « C’est un sujet qui touche indirectement chacun d’entre nous. Les femmes bien sûr. Leurs compagnons et amants aussi. Ainsi que les enfants. Ceux qui naissent sans être désirés ou ceux qui peuvent déclencher un cancer à cinquante ans parce qu’ils ont été exposés à des hormones prises par leur mère » ;
  • « …celles qui se sont battues pour la pilule ne doivent pas en faire un nouveau conservatisme ni croire que les nouvelles générations leur crachent au visage. Ces nouvelles générations s’adaptent à des réalités nouvelles et, malgré les idées reçues, placent la barre de leurs exigences encore plus haut que leurs aînées. L’histoire des femmes qui ont vu naître la pilule est jalonnée de blessures misogynes qui leur ont forgé d’épaisses carapaces protectrices. Derrière la brutalité de leur réaction face à cette remise en question de la pilule se cache le traumatisme de celles qui savent la violence d’un misogynie loin d’être morte et capable de rejaillir avec vigueur » ;
  • « Moins traumatisées par la misogynie que leurs aînées, les jeunes femmes osent intégrer leur biologie, leurs spécificités et leurs différences dans leur identité ».

Je vais essayer d’expliquer les effets qu’ont provoqué ces assertions lors de ma lecture. Tout d’abord, les effets nocifs de la pilule ne sont plus des possibilités, mais des faits systématiques. Ensuite, remettre la pilule contraceptive en question n’est plus ici une question de santé personnelle, mais un engagement pour la cause féministe et un pas de plus pour l’égalité entre les femmes et les hommes. A partir de là, continuer de prendre la pilule paraît socialement irresponsable. En continuant de prendre la pilule, je ne mets apparemment pas seulement ma santé et mes futurs enfants en danger – pas seulement parce que je tais mon désir d’en avoir, mais aussi parce que les hormones que j’ingère peuvent accroître leur exposition au cancer et ne font pas de mon corps un corps « sain » pour les accueillir -, je cautionne une inégalité, je ne me respecte pas, je déresponsabilise les hommes – en l’occurrence mon conjoint – et je contribue à polluer l’environnement. Je ne fais pas un choix par moi-même, en prenant la pilule, je ne la pense pas : je la subis et me mets en danger. Je me soumets. Je démissionne. Ceci s’ajoute à toutes les autres incohérences de mon existence en tant qu’individu dans le monde : j’utilise parfois des produits ménagers qui sont des perturbateurs endocriniens dangereux pour ma santé, je n’ingère certainement pas assez de nutriments indispensables à mes futures grossesses s’il y en a, j’ai pris l’avion pour aller au Canada au mois de novembre 2018, je prends parfois la voiture seule pour me rendre à Paris, j’ai un Macbook pro et un I-Phone, j’ingère du doliprane quand j’ai mal à la tête, j’ai craqué et mangé de la viande la semaine dernière, j’ai un chat pour animal de compagnie, j’ai acheté ce quatre-quarts Carrefour hier qui a sûrement de l’huile de palme dans sa composition, je n’ai toujours pas collé d’étiquette STOP PUB sur ma boîte aux lettres, j’ai commandé le bouquin de Sabrina Debusquat sur Amazon, j’ai fumé des cigarettes pendant 9 ans. Je démissionne en permanence. Je m’engage par ailleurs. Je n’ai pourtant pas du tout envie d’être associée au genre de portrait-robot que fait Sabrina Debusquat de la femme moderne, de cette « nouvelle génération » dont on dit beaucoup de choses, un peu de la même façon dont parlent certains politiciens et / ou communicants des « Français ». Je pense que l’auteure essaie, par cette rhétorique, d’encourager des comportements très positifs. Le discours se teinte malheureusement de considérations moralisatrices et maternalistes : cette dernière partie ne propose plus de clés de compréhension du monde comme le faisaient les premières en confrontant des avis et des chiffres – dont d’autres discuteront certainement par ailleurs -, elle enjoint les femmes et les hommes à faire, à choisir. Sans s’en apercevoir, elle culpabilise ceux qui ne font pas, ou bien ceux qui choisissent autrement, parce qu’elle décrédibilise toute possibilité d’un choix – autre – éclairé. Celles qui choisissent la pilule choisissent mal. Je choisi mal. Je suis personnellement touchée, voire blessée.

Lorsque j’ai fermé le livre de Sabrina Debusquat, j’avais envie de chialer et de balancer mes pilules par la fenêtre : bizarrement, j’ai plutôt lancé d’autres débuts de recherche sur des témoignages de femmes qui se sont pris les effets secondaires de plein fouet, mais aussi sur la parution du livre et la réaction de Martin Winckler à ce livre. Martin Winckler, dont le vrai nom est Marc Zaffran, est un médecin généraliste spécialisé entre autres sur la contraception, et un écrivain. Après avoir lu J’arrête la pilule, il a finalement refusé de préfacer le livre, pour des raisons qu’il a expliquées sur ses réseaux sociaux : « … je ne suis pas d’accord avec sa position (« La pilule, c’est le mal ») ni avec son attitude, qui tend essentiellement à mettre toutes les contraceptions hormonales dans le même panier et à disqualifier ou inquiéter les femmes qui les utilisent. Et encore moins avec ses raccourcis (qui font fi de la réalité scientifique). (…) je ne suis pas d’accord avec certains raccourcis du livre et certaines positions de S.D. (toutes les contraceptions hormonales ne sont pas identiques, toutes les femmes ne sont pas identiques, et donc tous les effets secondaires ne sont pas identiques – ni aussi fréquents, ni aussi problématiques, en regard du service rendu : protéger les utilisatrices des grossesses dont elles ne veulent pas) ». Odile Buisson, gynécologue et obstétricienne, membre du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, s’est (assez douloureusement) débattue pour tenter de modérer le discours « anti-pilule » qui se dégage du livre de Sabrina Debusquat, discours dont la journaliste se défend sans s’en défendre – elle ne fait qu’un travail d’observation journalistique, sérieux et sourcé, il ne s’agit pas d’opinion, et pourtant, elle admet parfaitement choisir d’y exposer uniquement les dangers que représente la pilule et non ses effets bénéfiques. Il s’agit d’un angle. Qu’un.e journaliste en choisisse un autre et publie une enquête.

La question qui a motivé ma recherche est plutôt simple : ma pilule contraceptive est-elle dangereuse pour ma santé ? C’est finalement avec les conseils de ma gynécologue et d’après les informations réunies par Marc Zaffran que je décide de faire mon choix.

Une intervention de Martin Winckler pour balayer 5 idées reçues sur la contraception, en mars 2019

Parce qu’elles sont synthétiques, je vous propose ici un authentique copier-coller de la synthèse du généraliste offerte sur son blog.

« Pour les pilules combinées (contenant un estrogène), les risques connus sont les suivants (pour le cancer du sein) :

– la prise d’estrogène au-delà de l’âge de 35 ans augmente le risque d’apparition d’un cancer après 50 ans ; non parce qu’elle « crée » des cancers (les premières cellules cancéreuses apparaissent trente ans avant une tumeur mesurable) mais parce que certains cancers du sein sont stimulés par les hormones sexuelles.

A quoi correspond cette augmentation de risque ? On l’a chiffré précisément.

– Pour les utilisatrices qui l’ont prise jusqu’à 35 ans (et sont passées à une méthode sans estrogène après cet âge), le risque de cancer à 45 ans (11 cancers / 1 000 femmes) est quasiment identique à celui des femmes qui n’ont jamais pris de pilule combinée. (10 / 1 000)

– Pour les utilisatrices qui prennent une pilule combinée jusqu’à 45 ans, on observe dix ans plus tard (à 55 ans), 26 cancers pour 1 000 femmes ; chez les non-utilisatrices, on en compte 23 pour 1 000 (3 de moins).

A noter cependant :

– chez les femmes ayant pris la pilule, les cancers découverts entre 45 et 55 ans sont moins étendus et moins avancés que chez celles qui ne l’ont pas prise ; on ignore pourquoi mais c’est une bonne nouvelle ;

– le risque de base n’est pas augmenté pour les femmes ayant des antécédents de cancer familial ; autrement dit : l’utilisation de la pilule jusqu’à 35 ans n’est pas déconseillée si une femme de votre famille a eu un cancer précoce. Après 35 ans, en revanche, vous préfèrerez probablement passer à une contraception sans estrogène et, à partir de 40 ans, vous êtes en droit d’envisager une mammographie de temps à autre (même si ça n’a rien d’obligatoire, et même si l’absence de dépistage ne change rien à votre espérance de vie).

Conclusion : si cette augmentation du risque de cancer, même minime, vous préoccupe, cessez de prendre une pilule combinée à 35 ans et passez à une méthode sans estrogène (DIU au cuivre, Implant, SIU hormonal, pilules progestatives) »

Le médecin rappelle enfin les risques d’accident thrombo-embolique – ceux qui me font personnellement le plus peur et qu’on a agités au moment de la prescription de la pilule, alors que j’étais encore fumeuse.

« Le risque d’accident vasculaire (toutes formes confondues) s’élève avec l’âge, qu’on prenne la pilule ou non, en raison du vieillissement naturel des vaisseaux sanguins.

Nombre d’accidents vasculaires sur 1 an pour 1 MILLION de femmes âgées de 20 à 34 ans :
– Non-fumeuse, non utilisatrice de pilule : entre 50 et 80 par million et par an
– Fumeuse, non utilisatrice de pilule : entre 70 et 127 par million et par an
– Non-fumeuse, utilisatrice de pilule : entre 120 et 180 par million et par an
– Fumeuse, utilisatrice de pilule : entre 154 et 260 par million et par an

Tous ces accidents ne se concluent pas par un décès. »

En tant que femme non fumeuse de moins de 35 ans, voilà la conclusion du médecin qui me concerne : « Une femme qui n’a pas d’antécédent vasculaire familial ou de contre-indication peut la prendre sans augmentation particulière de ses risques après 35 ans jusqu’à l’âge de 50 ans si c’est ce qui lui convient le mieux ».

Pourquoi choisir de croire ses conclusions à lui, quelle est la légitimité d’un médecin qui utilise un pseudonyme – quelle est sa légitimité par rapport aux autres et sa neutralité vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques ? Sa principale source est un livre de John Guillebaud, Contraception your questions answered, cité à la fin de l’article. John Guillebaud est un médecin spécialisé autour des questions du planning familial – c’est, en fait, le prof émérite du planning familial et de la santé sexuelle à l’University college de Londres. Il participe au think thank « Population matters », co-dirigé par David Attenborough et Jane Goodall, entre autres personnes militantes. Leur objectif : élargir l’action du planning familial et sensibiliser à la contraception pour favoriser une natalité contrôlée, c’est-à-dire réduire les grossesses non désirées. Leur thèse principale consiste à dire que l’accroissement exponentiel de la population a des effets sur : le changement climatique ; les ressources alimentaires ; les conflits armés et le terrorisme ; les ressources en eau ; la sécurité et la production énergétiques ; la santé ; la biodiversité. A priori, ses impacts ne sont pas positifs. Les internets disent peu de choses de John Guillebaud, mais ses théories sont parfois associées à de l’anti-humanisme. Si on n’écoute pas ce qu’il dit, on peut penser que ses conclusions sont paternalistes et stigmatisent les populations pauvres, voire qu’il est complice d’une théorie thanosienne (en fait, on dirait malthusianiste mais Marvel fait aussi de la philo) de contrôle de la population. Je prendrai le temps de répondre à cette ineptie par une autre ineptie : Thanos ne promeut pas le planning familial et la contraception accessible à tous, il veut tuer des gens. On est bien d’accord : John Guillebaud, Jane Goodall ou Attenborough ne sont pas des penseurs du génocide, ce sont des promoteurs de la natalité choisie et heureuse.

J’avoue avoir un penchant naturellement sympathique pour le travail qu’effectue Jane Goodall, sorte de prêtresse du bien mais dans les faits : elle agit et elle finance, elle ne se contente pas de prêcher. Mon empathie est donc biaisée pour Guillebaud. Et par conséquent, pour Marc Zaffran, aka Martin Winckler, qui résume ce que doit représenter la contraception pour les femmes d’une façon curieusement assez similaire à celle d’Israël Nisand : la meilleure méthode de contraception est celle qui est choisie, et elle n’est pas définitive.

En tant que femme sexuellement active, en couple, ne désirant pas une grossesse dans l’immédiat, nous faisons partie, mon conjoint et moi, des concernés par la contraception. Je peux dire, après ces minuscules recherches et lectures, que faire un choix personnel au milieu des avis des différentes autorités de la pensée – corps médical, journalistique, juridique, associatif – est extrêmement difficile. Pour cette simple raison, la contraception mérite d’être encore et toujours expliquée et discutée en France.

 

Des liens, pour lire des choses sur la contraception :

https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/marre-de-souffrir-pour-notre-contraception_1718931

Pour commencer, la récente tribune co-signée, entre-autres, par Marion Larat et Sabrina Debusquat dans Libération le 2 avril 2019 :  » Marre de souffrir pour notre contraception ! « . Les signataires réclament une concertation nationale pour encourager la recherche à trouver de nouvelles méthodes de contraception, améliorer les moyens existants, responsabiliser les hommes, améliorer l’information auprès des médecins, sensibiliser l’opinion publique.

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/sexualite/contraception-la-pilule-pour-homme-a-portee-de-main_12652

L’objectif de la fameuse pilule pour hommes, dont on a beaucoup parlé ce mois de mars 2019.

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/sexualite/le-pape-la-pilule-et-l-inutile-pause-entre-les-plaquettes_131053

Attendre 7 jours entre les plaquettes de pilule est finalement inutile : faut-il blâmer le Pape ?, sciencesetavenir.fr

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/pilule-sterilet-quels-sont-les-modes-de-contraception-les-plus-utilises-dans-le-monde_118339

Pilule, stérilet : quels sont les moyens de contraception les plus utilisés dans le monde ?, sciencesetavenir.fr

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/pilules-de-3e-et-4e-generations-l-enquete-est-classee-mais-de-nouvelles-plaintes-arrivent_116500

Pilules de 3e et 4e générations : l’enquête est classée mais de nouvelles plaintes arrivent, sciencesetavenir.fr

https://www.liberation.fr/societe/2013/01/29/marion-larat-comprimee_877714

Marion Larat, comprimée, libération.fr, janvier 2013

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/une-nouvelle-etude-etablit-un-lien-entre-pilule-et-cancer-du-sein_1967382.html

Une nouvelle étude établit un lien entre pilule et cancer du sein, lexpress.fr,

https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/femme-pilule-contraceptive-7-effets-secondaires-averes-68578/

Pilule contraceptive : 7 effets secondaires avérés, futura-sciences.com

https://www.brown.edu/campus-life/health/services/promotion/sexual-health-contraception/birth-control-pills

Borwn, Birth Control Pills

https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/article-abstract/2552796

Association of hormonal contraception with depression, jamanetwork.com

https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/01/10/pilule-enquete-sur-ces-medecins-lies-aux-laboratoires_1814864_3224.html

Pilule : enquête sur ces médecins liés aux laboratoires, lemonde.fr, 2013

http://martinwinckler.com/spip.php?article512

Contraception : Index questions/réponses, martinwinckler.com

http://martinwinckler.com/spip.php?article1149

Pilule, cancer, tabac et âge des utilisatrices – quels sont les risques, exactement ?, martinwinckler.com

http://martinwinckler.com/spip.php?article1150

Dix idées reçues sur la contraception, martinwinckler.com

https://www.sexandu.ca/fr/

Base d’informations sur la santé sexuelle au Canada.

http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/notice/N0241995.htm

SMECTA, notice, ansm.sante.fr

http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/frames.php?specid=68799614&typedoc=N&ref=N0186185.htm

ASPIRINE DU RHONE, notice, ansm.sante.fr

http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/affichageDoc.php?typedoc=N&specid=69309629

DOLIPRANE 1000mg, notice, ansm.sante.fr

https://www.youtube.com/watch?v=XjjLYUqnvTQ

Sex and the planet, John Guillebaud, TEDx Talks, youtube.com

https://populationmatters.org/our-patrons

Le think thank Population matters

http://www.cngof.fr/

L’Organisme professionnel des médecins exerçant la gynécologie et l’obstétrique en France

http://www.cngof.fr/accueil-cngof/commissions-du-cngof

Les différentes commissions de l’Organisme professionnel des médecins exerçant la gynécologie et l’obstétrique en France

http://www.cngof.fr/accueil-cngof/commissions-du-cngof/apercu?path=Commissions%2BCNGOF%2B2017_Gynecologie%2Bmedicale.pdf&i=12857

Letombe fait partie de la commission gynécologie médicale

http://www.cngof.fr/menu-la-contraception/301-la-pilule

L’article sur la pilule sur le site du CNGOF

https://jarretelapilule.fr/le-saviez-vous/

Le site J’Arrête la pilule créé parallèlemeny à la publication de l’enquête de Sabrina Debusquat

http://www.ca-se-saurait.fr/

Le blog d’infos santé animé par la journaliste Sabrina Debusquat,  » un espace convivial, sans langue de bois mais respectueux où l’on réfléchit à notre société, nos modes de consommation et le sens de nos vies.  »

https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/05/19/le-professeur-joyeux-medecin-a-effets-indesirables_5301441_4497186.html

Un article dressant la carrière et le portrait du professeur Henri Joyeux, médiatiquement connu comme le médecin anti-vaccins. Que fout-il dans cette bibliothèque de liens, me direz-vous ? J’ai curieusement appris qu’il avait donné une conférence avec Sabrina Debusquat autour de la contraception, et qu’il plébiscitait son livre J’Arrête de la pilule sur ses canaux de com’ (site internet et chaîne Youtube). Une association assez étrange, surtout quand on parcourt son site et regarde ne serait-ce que l’une des conférences sur le genre (j’ai pris des notes et ses opinions sur l’homosexualité sont tout simplement bancales, border line voire homophobes. Insoutenables, quoi.)

https://www.liberation.fr/france/2017/09/19/plainte-contre-les-pilules-de-troisieme-generation-le-parquet-classe-l-affaire_1597361

 » Plainte contre les pilules de troisième génération : le parquet classe l’affaire « , Libération, 19 septembre 2017, Libération.fr

https://www.franceculture.fr/societe/contraception-50-ans-de-mefiance-envers-la-pilule

 » Contraception, 50 ans de méfiance envers la pilule  » France Culture, avec l’entretien d’Israël Nisand dans le cadre de l’émission Questions d’éthique de la saison 2103-2014

https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-09-octobre-2017

L’entretien d’Israël Nisand au micro de Léa Salamé dans le cadre de l’émission « L’invité de 7h50 » dans le 7-9 de France Inter en octobre 2017

https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/le-sexe-comme-objet-savoirs-et-sexualite-34-le-petit-comprime-qui-a-change-la-face-du-monde-une

 » Le Petit comprimé qui a changé la face du monde « , troisième épisode de la série doc Le sexe comme objet, savoirs et sexualité dans La Série documentaire de France Culture

https://www.lepoint.fr/sante/medecine-et-contraception-les-liaisons-dangereuses-26-12-2017-2182550_40.php

https://www.lepoint.fr/dossiers/sante/pilule-contraceptive-50-ans/

https://www.lepoint.fr/sante/rejet-de-la-pilule-les-arguments-ecologiques-ont-pris-une-importance-etonnante-27-12-2017-2182661_40.php

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/anne-jeanblanc/la-pilule-tant-desiree-desormais-decriee-28-12-2017-2182930_57.php

Le dossier du Point pour les cinquante ans de la pilule fêtés en 2017

https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/12/19/50-ans-de-la-loi-neuwirth-les-femmes-ont-une-volonte-legitime-de-s-approprier-leurs-choix-contraceptifs_5231904_3232.html

 » 50 ans de la loi neuwirth : les femmes ont une volonté légitime de s’approprier leurs choix contraceptifs « , la tribune de Nathalie Bajos , directrice de recherche à l’INSERM, dans Le Monde du 19 décembre 2017.

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