Le Point physique,

La (fausse) blondeur, autoroute à clichés.

Un jour, j’ai décidé d’être blonde. Le contexte d’une telle initiative n’a absolument rien d’original : la rupture avec un petit ami longtemps fréquenté pointait le bout de son nez gentiment. Si ces temps précipitent et multiplient quelque peu les prises de décision – plus ou moins pertinentes –, on pourrait douter de notre efficacité de jugement, affecté par un chamboulement affectif disproportionné et particulièrement égocentrique. Cet état peut donc potentiellement provoquer le meilleur comme le pire : à noter que je ne place ma blondeur dans aucune de ces catégories, tant cette décision fut polémique (à lire avec une main devant la bouche en cul de poule). Polémique définitivement réglée avec l’agréable commentaire d’une coiffeuse, quelques jours avant le jour de l’an 2014 : « c’est fade ».

Comme j’ai l’esprit de contradiction et que j’emmerde son avis, j’ai donc rigoureusement poursuivi ma quête de blondeur.

La fausse blondeur, lorsqu’elle est faite de façon artisanale – c’est mon cas – peut rapidement tourner à l’expérimentation artistique tant le résultat des couleurs de supermarché sont imprévisibles. A noter que pour une blondeur soudaine réussie sur une tignasse bien brune comme la mienne, il faut avant tout se décolorer les cheveux. Autrement dit, se les bousiller à vie. J’ai donc, dans un acte de rébellion particulièrement fiévreux, refusé de procéder ainsi. Ce qui multiplie les potentielles improbabilités de couleurs de cheveux, comme évoqué ci-dessus.

Bienheureusement, l’on trouve sur les boîtes de coloration pour cheveux un dégradé de chevelures et le résultat de la couleur sur chacune *I-R-O-N-I-E*.

Le premier enseignement tiré de l’expérience numéro une : ces merveilleux schémas ne correspondent à rien et s’avèrent être totalement faux. Même lorsqu’il est écrit sur certaines boîtes que les couleurs blond très clair sont déconseillées sur les tignasses très foncées, il s’agit d’un avertissement abusif. La preuve : je me suis de nouveau trouvée blonde (ok, pas forcément « blonde » dans le sens où vous l’entendez, mais j’y reviendrai) après une première coloration de blond très clair ce mois de mai.

J’ai peut-être obtenu ce résultat parce que je colore mes cheveux depuis deux ans maintenant : il est vrai qu’il a fallu environ trois ou quatre colorations blondes – trois à quatre mois donc – pour obtenir un blond suffisamment clair pour pouvoir le considérer comme tel il y a deux ans.

Par ailleurs, il ne faut pas être surpris si, les premiers jours, la couleur de vos cheveux ne paraît pas naturelle : j’ai envie de vous dire que vous vous êtes mis de l’ammoniaque sur la touffe pour les colorer, pas la peine de faire l’étonné(e). Cet effet disparaît progressivement, au fil des jours dans un premier temps puis au fil des couleurs, presque définitivement.

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Parmi les derniers – humbles – enseignements que je puis partager concernant la coloration touffale : il n’y a pas de règle concernant les prix. Je parle des prix sans nécessairement y associer les marques, puisque certaines ont plusieurs gammes de coloration, plus ou moins chères.

Bien sûr, découle naturellement de l’impact de la couleur blonde sur vos cheveux son impact sur les autres, puisque nous sommes tous spectateurs involontaires du reste du monde-mon-dieu-j’en-fais-tellement-trop.

Outre le choc visuel pour les gens qui vous connaissent, rapidement réglé par l’accoutumance, se trouvent le comportement des arpenteurs de rue et l’imaginaire collectif face à la blondeur. La sémantique même est clichée : lorsque l’on projette une belle femme pour enrichir une anecdote, c’est une blonde à grosse bouche. Ce que je viens d’écrire relève du pur enfonçage de porte ouverte, mais heureusement – j’espère -, la conclusion de cette chronique ne consiste pas à dire que je me sens belle grâce à ma touffe de fausse blonde. Je ne suis absolument pas sûre qu’une couleur de cheveux embellisse ou bien enlaidisse. La coupe, en revanche, peut être assez cruelle.

Bref. Pour amorcer ce que je souhaite signifier, je rapporterai ce que m’a avoué un ami assez récemment, après m’avoir retrouvée brune cet hiver tandis qu’il m’avait connue blonde l’année auparavant. Il a tout d’abord signifié le fait que cela changeait beaucoup – bien observé -, puis j’ai avancé ma motivation : le blond semblait être une plus-value de féminité, de sensualité et presque toujours de légèreté, sous-entendue intellectuelle. Sans le dire, il a acquiescé. Autrement dit, lui aussi avait dû penser, au premier cours de volley, que je n’étais qu’une assez grande blonde gentille et un peu conne. Son adhésion silencieuse à cette conclusion n’était pas si surprenante, pourtant je ne l’oublie pas et m’en trouve quelques fois de nouveau agacée.

Oui, Uma est la bonnasse et la brune l'intello-censée-être-moche-mais-bonne-quand-même dans ce film
Oui, Uma est la bonnasse et la brune l’intello-censée-être-moche-mais-bonne-quand-même dans ce film

Dans le cadre de mon stage, d’avril à juin, j’ai rencontré mon prof de volley, qui nous a suivies mon acolyte de fac et moi pendant toute notre licence et que je n’avais pas vu depuis un an. J’étais blonde aux cheveux longs, il m’a retrouvée brune aux cheveux courts. Sa conclusion ? « Tu cherches – presque – un travail maintenant », sous-entendu, il faut être sérieux.

Si la blondeur provoque ce genre de schéma réflexif, qu’en est-il des tatouages ou des piercings, je vous le demande.

Depuis quand la blondeur est-elle déconseillée à l’embauche ?

Quelle est notre culture du blond ? Nous le trouvons nordique – il caractériserait nos amis Norvégiens ou Hollandais -, iconique – BB, les Brigitte, qui ont eu recours à des perruques brunes identiques pour ne pas souffrir d’une étiquette, ou Marilyn, pour faire dans le cliché -, faux. Peut-être y a-t-il plus de fausses blondes que de vraies en France, et puisque nous prétendons, nous sommes superficielles, conséquemment plus réceptives au matériel qu’à l’intellectuel. En gros, les blondes des blagues sur les blondes.

Ca la fait pas rire
Ca la fait pas rire

Il serait bon de connaître la culture du blond à l’étranger, chez nos amis les nordiques, par exemple. Chez nos amis les sudistes, pour comparer. Auprès des Californien(ne)s.

Suis-je inconsciemment plus désirable dans l’imaginaire collectif parce que je suis blonde ? Ou simplement plus bête ? Me voit-on comme une blonde au premier abord, ou s’en fout-on finalement plus que je ne le crois et ne voit-on pas plutôt mes yeux marrons, un bouton sur le front, ma fossette ou un ensemble bordélique qui demande un examen de quelques minutes ?

Et je n’ai pas parlé du lynchage des roux, dont il faudrait pourtant vivre le quotidien un certain temps pour un reportage en immersion révélateur (nouvelle bouche en cul de poule). A la prochaine rupture, peut-être.

L'image n'est peut-être pas très adaptée aux derniers mots. Quoique...
L’image n’est peut-être pas très adaptée aux derniers mots. Quoique…

La Jupe.

Alors ça c'est plutôt une rob... *FLAP* (et pas *fap*, parce que ça veut pas dire la même chose. Là je mimais la giffle. Quoi qu'une biffl...)
Alors ça c’est plutôt une rob… *FLAP* (et pas *fap*, parce que ça veut pas dire la même chose. Là je mimais la giffle. Quoi qu’une biffl…)

« Tu mets des jupes ou des robes, quelques fois ? », drôle de question lorsque l’on sait qu’elle émane de son propre grand-père ; peut-être s’agit-il d’un reproche subtilement suggéré. Mais il faudrait par là même assumer une entreprise d’incrimination émanant d’un membre de sa propre famille, qui par ailleurs se trouve être toujours bienveillant, et très aimant. Alors disons que ça n’en était pas un.

La question était d’autant plus pertinente que la semaine précédente, j’avais courageusement décidé d’arborer la jupe achetée pendant les soldes de janvier. Un jour de grand vent, bien entendu ; c’est là tout le paradoxe de notre psychologie, qui souhaite tester notre moi cérébral au moi physique de façon pulsionnelle et souvent inappropriée. Ce jour-là, partie en quête de la pharmacie située à quinze mètres de ma chambre-appartement, un coup de vent a soulevé ma jupe par-dessus la couche atmosphérique, tandis que trois mètres me séparaient de l’entrée de la pharmacie. Comme si le message cosmique subliminal n’avait pas suffi, l’événement se produisit dans une rue très passante, dans laquelle deux files de voiture assez conséquentes attendaient potentiellement le feu vert en regardant ce qu’il pouvait bien se passer sur le trottoir avoisinant. On a beau sourire, faire mine d’admettre le ridicule de la situation, on ne peut néanmoins pas tendre sa carte vitale à la pharmacienne sans songer à lui demander une dose de Maalox mortelle pour l’organisme.

Montrer ses jambes, voilà le mécanisme volontaire de cette démarche vestimentaire. Un érotisme bien innocent, que l’on réfuterait volontiers si les attitudes anonymes de la rue ne nous le confirmaient pas en permanence. Il suffit d’évoquer le mot « cuisses » pour le comprendre ; une zone érogène sur-identifiée exposée dans un contexte sexuellement neutre, cela provoque naturellement l’imaginaire collectif. Qu’elles soient nues l’été, couvertes d’un collant l’hiver, elles transpireront la même évocation. Et je ne vous parle même pas des collants à motif un peu travaillés ; on connaît tous la signification symbolique de l’effet dentelles sur-attractif. Ajoutez à cela le fait que la robe et la jupe ne présentent pas la sécurité du short, verrouillant bien sagement notre matos intime, et vous tenez peut-être la raison pour laquelle je me satisfais à quatre vingt huit pour-cents de mes bons vieux jeans.

Montrer ses jambes est l’une des mille et deux (pour pas faire deux fois ‘une’) façons d’exposer sa féminité, même si cela paraît injustement réducteur. L’amalgame est parfois tel que l’interprétation de ce geste matinal anecdotique consistant à choisir sa façon de s’habiller peut amener à croire à une quête de séduction. Je montre mes jambes, alors je séduis ; et si le simple fait de porter une jupe ou une robe n’était pas un acte de démonstration, de ‘donner-à-voir’, mais seulement un geste intime, satisfaisant le rapport temporaire que l’on porte de soi à soi ? Du genre ; aujourd’hui, j’ai envie de mettre cette jupe parce qu’elle est complètement coule, et que j’ai quand même payé 20€ pour la porter ?

Pourquoi, ce matin là, j’ai été abordée dans la rue, et menée à faire mon chemin jusqu’à la fac accompagnée d’un parfait inconnu somme toute sympathique qui se trouvait être étudiant en première année d’anglais ?

C‘est fou comme les jambes diffusent un langage indépendant de notre cervelle.

 


La Coupe de cheveux.

Il paraîtrait que nous, les filles, on en parle et s’en préoccupe beaucoup. La différenciation sexuelle à ce niveau là reste à justifier selon moi. M’enfin.

coupes cheveux nulles

Il y a un peu plus d’une semaine, je suis allée chez le coiffeur. Il faut imaginer cette prise de décision comme un choix existentiel conclu par une marche au ralenti, dans une rue déserte, cheveux dans le vent, avec cette musique en fond sonore, droit vers le salon de coiffure.

Les réactions des autres ont finalement été bien surprenantes. Habituellement, tout le monde récite sans réfléchir la réplique de mise, autrement dit « ça te va bieeen ». Mais là, mon frère a pris le temps de réfléchir, une copine de promo m’a demandé ce que j’avais fait à mes cheveux, et une de mes meilleures amies s’est étonnée de la raison de ce changement radical. Faut dire, j’ai perdu une bonne vingtaine de centimètres de poils crâniens.

Il semblerait que mes cheveux longs aient été le symbole de ma féminité, et qu’en les coupant, j’en aie perdu quelque chose. Je ne sais pas pourquoi, mais j’en étais déjà intimement convaincue, et tandis que je confirmais la bonne température de l’eau en frissonnant sous mon poncho en papier ridicule, je pensais bientôt me libérer d’un poids capillaire traduisant une certaine image de moi. C’est bien simple ; quand un garçon, rencontré au hasard d’un apéro avec de frais amis, trouve un prétexte pour toucher votre main après vous avoir expliqué comme il était impatient d’avoir son bébé dans quelques mois avec sa belle copine, vous vous demandez ce qui, chez vous, a pu dégager une telle initiative.

Au cours de cette même soirée, j’avais touché mes cheveux. Il en avait fait le compliment. J’ai déjà entendu ça, à Cour Saint Emilion, Paris 12è ; « ah c’est bon elle se touche les cheveux, c’est dans la poche », comme si le fait de remuer sa crinière était un langage sexuel involontaire.

Et bien si l’on sectionne tout simplement le matériau de ce langage corporel, alors ce langage n’est plus. Simpliste, comme raisonnement.

Dans un second temps, j’ai souvent entendu le discours mettant en parallèle un nouveau cadre de vie avec cette nouvelle coupe de cheveux. Comme si le départ de quelque chose impliquait la table rase de ce qui matérialise l’avant de ce quelque chose. Peut-être, mais il s’agirait plutôt d’un mécanisme inconscient. Mais avec tout ceci, j’ai bizarrement constaté qu’une coupe de cheveux était aussi anodine qu’un choix de vie, autrement dit, pas anodine du tout. Du moins, pas pour les autres.

Et surtout pas pour moi non plus.

Quoi j'exagère ?
Quoi j’exagère ?

Et les mecs, dans tout ça ? Ils les vivent comment, leurs poils de tête ?

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Le Minis boobs anthem, 

ou Du complexe intemporel.

Dans un élan girly particulièrement tenace ce jour, je décide de parler nichons. En effet, le simple fait d’avoir reçu le numéro Octobre de Be a déclenché une frénésie d’envies modes ; des boots en simili cuir évasées à la style à la fois cow-boy et hippies, qui s’avéreront malheureusement être à pas moins de 159€ chez André, ou autres escarpins pastels d’une marque dont le nom m’échappe tant les recherches de bottes sur le Net m’ont amenée à faire défiler un nombre incalculable de sites de chaussures. Il ne fallait pas plus du numéro spécial mode de mon magazine mensuel pour me faire enfiler un bandeau que je ne portais pas à mes dix ans, au petit nœud rouge, et me faire faire un trait d’eye-liner à la Amy Winehouse au-dessus des yeux. Étrange initiative, qui ma foi pourrait être entièrement satisfaisante si j’osais seulement la réitérer en d’autres occasions qu’en plein samedi après-midi sans sortie le soir même.

Quoi qu’il en soit, entre divers articles au sein du même magazine, abordant à la fois interviews de stylistes que je ne connais absolument pas et un peu plus loin l’hydratation de la peau, en passant par le thème de la « modeuse assumée et crédible au boulot » (terme que l’on retrouve sur la couverture et que n’importe quel hipster se serait empressé de souligner comme étant le témoignage même d’un abrutissement bourgeois), j’aperçus une page consacrée à une nouvelle mode de lingerie : le retour du « duo satin-dentelle ». Ce n’est pas ce qui accroche mon regard, non, il s’agit d’un petit encadré tout en longueur juste à côté, intitulé ; « Petits seins, gros atouts ? »1. Alors, mon cœur s’arrête ; une « spécialiste des bonnets A et B » nous donne quatre arguments afin de nous décomplexer, nous, petites poitrines, et nous assurer le droit et la légitimité de porter de la lingerie sexy.

monica boobs

Dans un premier temps, je suis vexée ; pourquoi cherche-t-on à prouver la légitimité de quelque chose qui me paraissait jusqu’alors être un fait accompli ? J’ose espérer qu’une petite poitrine n’ait jamais empêché aucune femme de s’acheter de la lingerie sexy. Et puis j’ai réfléchi ; à l’occasion de défilés haute couture, on ne voit que de grandes silhouettes filiformes, et donc dotées de poitrines bien timides, si ce n’est inexistantes. Pourtant, les femmes que l’on photographie pour des pubs sont toutes munies de seins, plus ou moins imposants, mais généralement bien marqués. Les soutien-gorge que l’on trouve dans les magasins sont pour la grande majorité « push-up » ou rembourrés, je ne parle pas des maillots de bain, ou même de certains tops dans les prêt-à-porter. Même s’il est entendu que seules de très rares personnes peuvent affirmer s’inspirer et commander leurs vêtements chez Gautier, et qu’aucun étudiant lambda fauché tel que moi ne puisse se sentir réellement concerné par ce qu’il se passe dans les défilés haute couture, il n’empêche que tout ceci paraît contradictoire. Si nos chaînes de prêt-à-porter sont influencées par ce qui passe un peu plus haut, alors pourquoi les petits seins tels les miens se sentent-ils hors du coup, puisque ce sont eux-mêmes qui véhiculent les modes ? Alors l’éternel complexe devient une question sociétale, en cette soirée de samedi à deux heures vingt du matin. Ou alors mon éternel complexe ne devient le centre de ma réflexion que par mon égocentrisme, légèrement exacerbé par l’ennui.

Pour effectuer le manifeste de la petite poitrine, il est inutile d’aborder la question de nos éternelles rivales ; les petits seins ne doivent pas se définir comme la négation des gros. Amis minis boobs (les magazines de mode ont cette tendance pathologique ; utiliser un certain nombre d’anglicismes, j’en ignore les raisons, peut-être parce que c’est plus la classe, comme dans mes anciens cours de SES au lycée), nous ne sommes pas l’objet d’un complexe, nous en sommes l’outil. Personne n’a dit un jour qu’un bonnet A était anormal, et que celui-ci témoignait d’une moins grande féminité. Ils sont dotés des mêmes capteurs sensitifs que n’importe quelle autre poitrine, feront du lait, et pointent lorsqu’il fait froid ou qu’ils sont excités. Enfin quand nous, porteuses, nous le sommes. Les seules responsables de notre complexe, c’est nous-mêmes. Sachons les apprécier à leur juste valeur, et accordons-leur leurs bienfaits : ils ne sont pas encombrants, permettent de porter les décolletés les plus échancrés, ne sont pas douloureux et nous laissent le choix de porter ou non un soutien-gorge, pour les dos-nus, par exemple, c’est un confort appréciable. Les petits seins sont des seins, nous les couvrons tout autant que les autres parce qu’ils sont intimes et que les dévoiler relève également de l’érotisme (j’exclus le topless sur la plage). Il est temps de ne voir en nos mini boobs que ce qu’ils sont, et pas ce qu’ils ne sont pas ; petits, pratiques, et surtout là, alors autant s’en accommoder.

1« Les 24 heures d’une pièce maîtresse », Be magazine n°139, octobre 2013


Le jean-débardeur.

En soi, porter un jean et un débardeur, l’action même de choisir ces vêtements, relève de l’anecdote. Il s’agit presque d’un choix automatique de revendication physique ; ne pas relever son être par une tenue particulière, ou remarquable, dans le sens, que l’on remarque. Être soi-même anecdotique, en passant dans la rue, par sa seule condition de passant, et non de passant habillé. Bon, sans vouloir dire qu’on en devient des passants nus. On s’est compris.

Le jean est une pièce que l’on nous décline de beaucoup de façons, et c’est ce qui lui donne en partie son intérêt ; le patte d’eph, le skinny, slim, évasé, troué, délavé, bleu, noir, cher, pas cher, de bonne qualité, de moins bonne, le jean qui se détend, le jean qui sert les testicules à en faire un énorme paqu…

Il y a beaucoup de jeans. Il y en a même des vrais et des faux. Je suis une fervente porteuse de ces derniers, comme je-ne-sais-pas-combien-de-pourcents-mais-on-comprend beaucoup de gens. Pour contextualiser l’expérience vécue à l’insu de mon plein gré, comme on dit pas, il faut expliquer ceci ; en ce 2 octobre, Tours s’évertue à couper la journée en deux situations climatiques. Nous vivons des matinées de mois d’octobre, fraîches et presque froides, pour finalement se trouver moites et cuits par un soleil juinal à partir de midi et demi. J’invente le mot juinal. Même pas peur.

Ce matin, j’enfile pour la Nième fois de la semaine (quatrième, on est jeudi. En gros) un jean et un débardeur (pas les mêmes non plus que les autres jours. Je suis pas si crado. Surtout après avoir parlé de moiteur juinale. Sweet jesus ça devient presque glauque). Ok, depuis que je me suis mis d’accord de moi à moi pour accepter ma carcasse telle qu’elle est à peu près, je les porte un peu moulants, mais sans plus ; pas jusqu’à faire du dessin de raie apparent, vous voyez.

Ce matin, situation climatique numéro une ; j’accompagne le tout d’une veste, zippée jusqu’au cou, qui descend légèrement sur le boule. Pas d’appréciations dans la rue.

Cet après-midi, en quittant la fac, situation climatique numéro deux ; j’ai retiré ma veste parce qu’entre-nous, j’allais baigner dans mon jus. Les vingt minutes pour rentrer jusque chez moi ont été très longues.

Mon échappatoire personnelle étant de porter des écouteurs, je n’entends pas les remarques et autres commentaires constructifs consistant à préciser le nombre de choses pouvant éventuellement rentrer dans mon cul ; je ne peux donc vous rapporter exactement l’effet produit par le jean et le petit débardeur UN PEU moulants. Mais je peux vous dire que ça produit quelque chose.

Qu’est-ce qu’on en tire, de tout ça ? Mon angle d’attaque n’étant pas, ici, de pointer l’agression que représente le regard citadin défringueur.

Et bien le jean-débardeur n’est peut-être pas un ensemble si anecdotique, peut-être même qu’il constitue un acte de mode, dès lors que nous choisissons de les assembler et de les porter à la vue des autres. Il y a peu de temps, j’ai revu un épisode de Sex and the City, dans lequel Miranda, après son accouchement, porte son « jean sac d’os » ; il s’agit d’un mythe, selon lequel nous garderions toutes un jean trop serré dans l’espoir de rentrer à nouveau dedans. Dans cet épisode, Miranda excite furieusement le mâle, parce qu’elle porte son jean (bon mais la trame dramatique tente quand même de nous faire comprendre que le jean fait un travail psychologique sur Miranda, question confiance en soi, toussa). Entre nous, la série a vieilli, y’a qu’à voir les accoutrements des autres filles (Samantha, horreur horreur) ; mais on parle toujours de cet éternel jean, intemporel, et de toute sa potentialité sexyque. C’était il y a une vingtaine d’années. Et ça n’a rien d’anecdotique.

Ne regardez pas le haut de Sam droit dans les yeux... HAAAAAAA !
Ne regardez pas le haut de Sam droit dans les yeux… HAAAAAAA !

ps légende (ça n’existe pas) : z’avez vu c’qu’elle porte avec ? Le petit débardeur.

Le jean, s’il est moulant, dessine nos courbes, et s’assigne au rôle de la suggestion qui en devient fantasmatique pour certains. S’il est taille-basse, on y devine la chute des reins, s’il marque la taille, il attire le regard sur la poitrine. Et sur les fesses. Mais bon, entre nous, le jean serré aimante furieusement le regard sur le cul, comme une loi de la physique. Le bas est donc entièrement couvert, mais on le devine ; et le débardeur vient signer tout c’travail en facilitant le travail d’imagination des autres. Et oui, pour équilibrer, on découvre un peu plus le haut.

Gare à vous si, en plus de tout ça, vous accompagnez le tout d’une paire de talons. Vous aussi, messieurs. Talons ou pas talons.

Cette fin d’article, c’est vraiment n’importe quoi.

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